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Commentaire désabusé sur l'actualité politique du moment... |
Michel ROCARD, Discours de politique générale, Assemblée nationale, 29 juin 1988 |
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"Visionnaire, militant et homme d'Etat" : le témoignage d'Yves Colmou |
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Je me souviens très bien de ma première rencontre avec Michel Rocard. C’était en 1975 lors d’une réunion nationale du courant rocardien, avenue Reille à Paris. J’y suis invité alors que je viens à peine d’adhérer, à vingt ans, au Parti Socialiste. Mais j’ai beaucoup de chance car ce courant, historiquement attentif au mouvement étudiant, manque singulièrement de jeunes. Je suis depuis un an membre du bureau national du MARC, qui deviendra le MAS, le petit syndicat étudiant très proche de la CFDT. C’est Jacques Moreau, notre tuteur, qui a fait le lien avec Gilles Martinet et Robert Chapuis. Je me souviens de l’intervention liminaire de Michel Rocard, avec un plan très ordonné auquel je m’habituerai plus tard : analyse des rapports de forces mondiaux, analyse des mutations économiques, diagnostic de la société française et du paysage politique, rôle du PS, responsabilité du courant. J’étais très impressionné par l’exigence intellectuelle et en même temps par la simplicité militante de Michel Rocard. J’en aurais une nouvelle illustration lorsque je déjeune avec lui, pour la première fois, peu de temps après, à la fin d’un meeting à la fac de Tolbiac où il démonte les trotskistes. Je me retrouve vite animateur du courant au MJS (et à la MNEF…), en rapport avec Christian Blanc au 98 rue de l’Université. Parallèlement je participe dans ma fédération du Val de Marne à la bataille du congrès de Metz au nom de la motion C.
Et puis, en 1980, j’ai la chance de devenir l’assistant parlementaire d’Alain Richard à l’Assemblée nationale. Alain et Michel ont des bureaux mitoyens et un secrétariat commun. Je rencontre donc tous les jours Jean-François Merle. Je connaissais son humour ravageur, je découvre aussi sa productivité scripturale. Ensemble, nous participons au groupe informel des assistants de députés rocardiens et nous vivons les épisodes, plus ou moins heureux, de la bataille pour la candidature. Cette période est aussi celle du début d’une amitié marquante avec Guy Carcassonne, alors conseiller juridique du groupe socialiste. En mars 1982, Jean-François, qui a naturellement suivi Michel Rocard au ministère du plan et de l’aménagement du territoire et qui cumule les fonctions de chef de cabinet et de conseiller parlementaire, me dit qu’il a besoin d’un adjoint et, avec Michel et Jean Paul Huchon, ils ont pensé à moi. J’ai 26 ans et je me retrouve au cabinet de Michel Rocard… J’en reviens à peine. Un an plus tard je deviens chef de cabinet au ministère de l’Agriculture. Les deux années à l’Agriculture ont été des années heureuses pour Michel. Enfin, il était dans l’action, on lui faisait confiance, il était en ligne avec le Président et, capital pour lui, ce ministère avait une dimension européenne et internationale. On devait faire face à la FNSEA de François Guillaume, instaurer les quotas laitiers, réorganiser le marché du vin, réformer l’enseignement agricole, c’était difficile mais c’était enfin de vraies responsabilités d’Etat et des réussites. C’est pourquoi Michel ne saisit pas la proposition de devenir ministre de l’éducation en juillet 1984. A l’époque je partage ce choix. Avec le recul, c’était quand même une belle opportunité politique. Comme toute l’équipe, la démission d’avril 1985 nous prend par surprise. A Matignon en1988, tout change de dimension. Et la Nouvelle-Calédonie vient faire rentrer Michel dans la grande histoire de notre pays. C’est l’implication personnelle totale du premier ministre, avec le concours de Jean-Paul, Jean-François et Christian Blanc, qui permet d’aboutir aux accords de Matignon. Fin août, je suis envoyé en précurseur à Nouméa pour organiser concrètement les trois jours de voyage officiel où le gouvernement de la République (le PM, P. Bérégovoy, P. Joxe, L. Le Pensec) vont engager une nouvelle politique et veiller à la réconciliation. Au-delà des innombrables sujets de logistique et de sécurité, je dois veiller à informer quotidiennement Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur des épisodes de cette préparation. Le jour venu, tout fonctionne bien. Même l’étape difficile de Canala, que P. Joxe voulait interdire, sans succès, à Michel Rocard pour des raisons, réelles, de sécurité. Ces quelques jours resteront toujours pour moi un souvenir intense et émouvant. Matignon, c’est un cabinet très vivant, qui débat, avec de fortes personnalités. Matignon, c’est aussi la gestion parlementaire de la majorité relative. Guy Carcassonne y veillait en grand artiste. Pendant trois ans, nous avions un dispositif politique très efficace : le cabinet, autour de Jean-Paul et Guy, l’Assemblée, avec Alain Richard et Michel Sapin, le parti et le courant, animé par Gérard Lindeperg et Jean-Claude Petitdemange, fonctionnaient de façon très coordonnée. Michel Rocard a conduit de vraies réformes. La paix en Calédonie, la création du RMI, l’instauration de la CSG sont dans les mémoires. Mais le « renouveau du service public », les « accords Durafour » dans la fonction publique, le statut particulier de la Corse ou la réforme des PTT pour ne citer que cela, ont été de vraies avancées. J’ai toujours été étonné que par la suite, dans ses nombreux livres ou interviews, Michel ait systématiquement souligné ses divergences avec François Mitterrand et n’ait pas plus valorisé un bilan que beaucoup de Premiers ministres auraient aimé pouvoir présenter. Après le 15 mai 1991 et le départ de Matignon, nous sommes une petite équipe à accompagner Michel au 63 rue de Varenne. Après sa défaite, comme tant d’autres, aux législatives de 1993, nous organisons la « prise de Solférino » avec les amis de Lionel Jospin. Nous reconstruisons lors des « Etats généraux de Lyon » puis au congrès du Bourget. Je me retrouve directeur de cabinet du premier secrétaire Michel Rocard, pendant 14 mois seulement, puisque la dramatique campagne et le résultat des élections européennes de juin 1994 vont, en fait, mettre un terme aux ambitions présidentielles de Michel. Plus tard c’est Lionel Jospin qui relèvera le gant. Je contribue, avec Daniel Vaillant, à l’organisation de cette belle campagne. Travailler avec Lionel Jospin dans cette campagne comme ensuite à Matignon, c’était travailler à la synthèse de la première et de la deuxième gauche. J’ai bien sûr toujours continué à voir Michel qui m’a fait le plaisir de venir me soutenir en 1997 lorsque j’étais candidat aux législatives dans le Jura. J’ai eu la chance incroyable de rencontrer un homme qui était à la fois un visionnaire lumineux, un militant authentique et un homme d’Etat. Sa rencontre a construit ma vie. Yves COLMOU, Ancien chef de cabinet de Michel Rocard, préfet honoraire |
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Témoignage de Daniel et Martine Frachon, figures du rocardisme en Yvelines |
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L'Institut Tribune Socialiste, consacré à l'histoire et à l'actualité des idées du PSU, recueille sous le titre "Mémoires vives du PSU" les témoignages de ceux qui ont été, à différentes périodes, des acteurs importants de cette organisation. Dans la viédo disponible à partir du lien ci-dessous, Daniel et Martine Frachon reviennent sur leur parcours, les débuts de leur engagement militant, l'implantation dans les Yvelines, notamment autour de Michel Rocard (entretien réalisé par Jean-François Merle).
Diffusé avec l'aimable autorisation de l'Institut Tribune Socialiste, 40 rue de Malte, 75011 Paris. https://www.institut-tribune-socialiste.fr/
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Retour sur la divulgation du rapport sur les camps de regroupement à partir de la correspondance Rocard-Westphal |
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L'historien Alessandro Giacone (professeur à l'université de Bologne) revient pour "Convictions" sur les relations entre Michel Rocard et Éric Westphal. Nous publions le deuxième volet de la correspondance, avec l’aimable autorisation de Mme Martine Westphal. Cet échange de lettres éclaire d'un jour un peu nouveau l'épisode du rapport réalisé par Michel Rocard, alors jeune inspecteur des finances, sur les camps de regroupement en Algérie. Il est complété par l'entretien avec Jacques de Larosière, ancien gouverneur de la Banque de France, qui se trouvait en Algérie en même temps que Michel Rocard, que nous publions ci-dessous dans la rubrique "Documents".
Camarades à l’Ecole alsacienne au milieu des années 1930, restés en contact épistolaire dans les deux décennies suivantes, Michel Rocard et Éric Westphal se retrouvent en Algérie en 1958.
Rocard y est arrivé au mois de septembre pour mener une enquête sur la situation foncière de l’Algérie, avec cinq camarades de l’Inspection des Finances (André Blanc, Jean-René Bernard, Jaques de Larosière[1], Jean-Marie Roche et Jean-Eudes Roullier). En novembre 1958, il y fait la connaissance de Paul Delouvrier, qui s’est vu confier une mission sur l’avenir de l’Algérie, et souhaite rencontrer ses jeunes collègues de l’Inspection « pour avoir des informations non biaisées par le contrôle des militaires[2] ». Cette mission est le préalable à la nomination de Delouvrier en tant que délégué général du gouvernement en Algérie (décembre 1958). Eric Westphal, quant à lui, a été le secrétaire particulier de Jean Monnet à la Haute Autorité de la CECA, qui siège à Luxembourg. En 1955, il y a fait la connaissance de Delouvrier et leurs familles se lient d’amitié. En 1958, il lui demande de l’emmener avec lui en Algérie pour faire partie de son cabinet civil. Ayant effectué son service dans un régiment de tirailleurs algériens, Westphal est sensible à la question algérienne et très engagé contre l’usage de la torture[3]. Cela rejoint les préoccupations de Rocard, qui en tant que secrétaire national des Etudiants socialistes, a des contacts avec ses homologues nord-africains. Il apprend ainsi par un ami, Jacques Bugnicourt, l’existence de camps de regroupements, où l’armée française concentre illégalement les paysans algériens pour isoler le FLN par la politique de la terre brûlée. Par l’intermédiaire de Westphal, Rocard obtient un rendez-vous avec Delouvrier, qui lui confie une enquête secrète sur la question, tandis qu’il est officiellement mandaté par son chef de brigade de l’Inspection, René Lenoir, d’une mission sur les mutations de propriété. « Les deux missions étaient en quelque sorte liées, expliquera celui-ci, puisque les déplacements de population entraînaient des problèmes juridiques majeurs[4] ». Avec un ordre de mission en bonne et due forme, Rocard sillonne le pays, escorté par des camions militaires, sur des terrains accidentés. « Je revois encore ma voiture embourbée jusqu’aux moyeux, tirée ensuite par un char », me racontera-t-il en 1999[5]. De cette mission, il résultera donc un rapport officiel sur les changements de propriété foncière et le rapport secret sur les camps de regroupements, qui estime à un million le nombre de personnes qui y sont détenues. Ce dernier est remis le 17 février 1959 à Paul Delouvrier, qui en fait dactylographier six exemplaires, trois pour lui et trois pour Rocard. Il le charge d’en transmettre deux aux autorités civiles de la République. Comme le résumera Rocard, « cela signifie, à mes yeux, que le délégué général du gouvernement n’avait pas les moyens de faire parvenir un papier jusqu’au président de la République ou au ministre de la Justice, de manière sûre et sans être contrôlé par les autorités militaires d’Alger[6] ». Michel Rocard a mentionné, dans le texte rédigé en 2002 pour la réédition du rapport sous la direction de Vincent Duclert et Pierre Encrevé, qu'il l'avait donné à Jean Maheu, à l'époque chargé de mission à l'Elysée, pour qu'il le fasse parvenir au Général. Dans l'entretien qu'il nous a accordé (cf. infra), Jacques de Larosière révèle qu'il avait également été dépositaire d'un exemplaire et qu'il l'avait remis au directeur de cabinet du Général de Gaulle, René Brouillet et que ce dernier, pris d’inquiétude, s’est empressé de le ranger dans un coffre. Quant à l'exemplaire confié au cabinet du garde des Sceaux, Edmond Michelet, c’est certainement celui qui a servi à la fuite dans la presse : le rapport sera ainsi publié, à la fureur du Général, à la fois dans Le Monde et dans Le Nouvel Observateur. La première lettre du dossier (doc. 1) remonte au 18 avril 1959. Rentré en France, Rocard confie à Westphal ses craintes quant aux conséquences de la fuite du rapport, à la fois pour la suite de sa carrière et pour ceux qui sont restés sur place. Il rappelle n’avoir eu aucune responsabilité, si ce n’est celle d’avoir confié son texte « à un irresponsable, malgré ses hautes fonctions… ». Dans une autre lettre (doc. 3) du 25 mai, Rocard confirme avoir « la quasi-certitude que tout s’est passé à Paris » et qu’il n'y est pour rien : « c'est parti de haut ! » : c’est une manière à peine voilée de désigner le garde des Sceaux, ancien résistant et très attaché aux droits de l’homme. La position administrative de Rocard est cependant incertaine : « Après la fuite, j’ai été convoqué par André Fayol, chef de service à l’Inspection des finances, qui m’a fait passer un véritable interrogatoire de police, trois heures durant et a fini par me dire : "Monsieur Rocard, dans des circonstances pareilles, j’aurais aimé me conduire comme vous. Je vous remercie[7]."». Au Conseil des ministres, le Premier ministre demande le limogeage de Rocard, mais celui-ci est « couvert » par le ministre Michelet[8]. Westphal risque à son tour d’en faire les frais, comme il transparaît de la lettre du 18 avril 1959 (doc. 2), rédigée avec une grande prudence et portée à la main par un messager pour échapper au contrôle du cabinet militaire du Palais d’été d’Alger (résidence de Delouvrier). Du fait de son amitié avec Rocard, Westphal est considéré, à tort, comme l’auteur du rapport. Le général M. (il s’agit presque certainement de Jacques Massu) cherche à exploiter l’affaire pour obtenir le renvoi du collaborateur de Delouvrier, considéré comme "progressiste" en raison de ses positions contre la torture. Le délégué général du gouvernement fait bloc derrière lui et obtient la fin des poursuites. Des mesures ont immédiatement été prises pour mettre fin aux regroupements de population, comme en témoigne une note de Westphal, le 5 avril 1959[9]. Dès lors ce dernier, dont le nom a été ébruité par la presse, est devenu une cible potentielle. Le 3 octobre 1960, l’appartement où il vit avec son épouse fait l’objet d’un attentat au plastic, heureusement sans conséquence. Pendant ce temps, la situation dans les trois départements algériens s’est dégradée. En janvier 1960, les partisans de l’Algérie française s’insurgent après le rappel de Massu en Métropole (« semaine des barricades »). Au mois de juin, les pourparlers de Melun avec les représentants du FLN sont un échec. De Gaulle veut cependant sortir du guêpier algérien. À l’automne 1960, il annonce le référendum sur l’autodétermination, qui aura lieu le 8 janvier 1961[10]. Embarrassé par le revirement du Général, le 15 novembre, Delouvrier lui demande à être rappelé à Paris. Dans ce contexte, et sur le point de quitter l’Algérie, Westphal écrit une lettre (non conservée) à Rocard. Favorable au « oui », il s’étonne que son ami, anticolonialiste comme lui, se soit prononcé pour le « non ». Le 26 décembre 1960, en vacances dans les Dolomites, Rocard lui écrit une longue lettre pour expliquer les raisons politiques qui ont amené le PSU, avec son plein consentement, à voter contre le référendum (doc. 4). Il s’agit du document le plus intéressant de la période, dans laquelle Rocard se moque de « monGénéral » et montre un sens aigu de la tactique, en expliquant qu’il faut éviter de laisser au PCF le monopole de l’opposition : « Je suis convaincu, et tu l'es comme moi, qu'il n'y a pas d’équilibre et de progrès politique possible dans ce pays sans que disparaisse ou soit considérablement amoindrie l'emprise du PC sur une grande partie de la gauche française. » Nous concluons le dossier avec une lettre hors-période, car elle remonte au 5 décembre 1992 (doc. 5). Trente ans après avoir quitté l’Algérie, en remettant de l’ordre dans ses papiers, Westphal a retrouvé l’original du rapport sur les camps de regroupements. Il propose à Rocard de lui remettre cette « pièce quasi historique » car « elle serait mieux dans tes archives que dans les miennes ». Cela n’a probablement pas été le cas, car le rapport figure dans les archives Westphal, léguées à la Société d’histoire du protestantisme français[11]. L’ancien Premier ministre avait certainement gardé son propre exemplaire, qu’il publiera dans une édition annotée en 2003[12]. Que l’on m’autorise à terminer sur un souvenir personnel. Le 28 janvier 2005, Michel Rocard présenta mon ouvrage "Paul Delouvrier. Un demi-siècle au service de la France et de l’Europe" à l’université Paris-Dauphine. Comme souvent, son discours fut brillant, et captiva l’auditoire avec ses souvenirs de la période algérienne (hélas, il eut un problème d’enregistrement vidéo qui ne nous permet pas de le livrer à la postérité). Ce fut aussi l’occasion de retrouvailles avec Éric Westphal et un autre des camarades d’Alger, Jean-Eudes Roullier. Pour reprendre le dire avec les mots de Westphal, « Que de choses me sont remontées à la mémoire. Quelle période nous avons vécue là ! » Alessandro GIACONE Professeur à l'Université de Bologne (2\3. A suivre) Doc. 1: Michel Rocard à Éric Westphal (18.IV.59) Mon cher Éric, Comme tu l'imagines, je suis fort ennuyé par la fuite qui vient de se produire. Je pense savoir d'où elle vient, quoi que je n'aie encore qu'une demi-certitude. Voudrais-tu présenter mes excuses à Delouvrier, en lui confirmant que je n'ai aucune responsabilité dans cette fuite, si ce n'est celle d'avoir confié mon texte à un irresponsable, malgré ses hautes fonctions… J'espère que tout cela ne vous gênera pas trop. Tâche, si tu peux, d'amortir les contrecoups éventuels qui pourraient atteindre l'Inspection, Je serais fort gêné que le Service soit mis en cause. Il y a notamment du remous à craindre du côté de la Préfecture d'Alger où le commandant Navarro, compétent en la matière et auprès de qui j'avais été introduit avec un ordre de mission du service, doit être dans une fureur noire, et au demeurant fort explicable. Si lui-même ou des échelons plus élevés de la Préfecture d'Alger se manifestaient, confirme-lui que je suis parfaitement étranger à cette fuite, que je m'en excuse, que si je maintiens l'intégralité de mon point de vue sur les regroupements, je n'en ai pas moins souligné à plusieurs reprises que la situation était moins mauvaise dans l'arrondissement de Blida qu'ailleurs. Ce qui m'ennuie le plus, c'est que l'ami Jacques risque d'avoir quelques ennuis. Veux-tu lui dire que j'ai bien reçu sa dernière lettre, que je préfère ne pas lui écrire, que je suis désolé de cette histoire, et que j'espère qu'il n'en ressentira pas le contrecoup. Mes hommages à ton épouse, amitiés à tous là-bas, et surtout Hubert, Jacques et Corbon[13]. Michel Doc. 2: Éric Westphal à Michel Rocard (18 mai [1959]) Inspection générale des Finances Délégation générale du gouvernement en Algérie Cabinet civil Mon vieux Michou. J’ai bien reçu ta lettre, mais je n’ai pas répondu plus tôt car j’attendais un messager sûr pour poster ceci à Paris. C’est Thibaud, chargé de mission, comme moi, au cabinet. Il est à Paris ces jours-ci et si tu veux lui donner qq. chose pour moi, va lui porter rue de Lille ou bien donne la au s[ous] L[ieutenant] Peigné, aide de camp de Delouvrier, qui sera à Paris mardi, mercredi et jeudi. La publication de ton R[apport] m’a gêné, bien sûr, pq. [un] certain général a essayé de m’imputer la faute, et ne s’est pas gêné pour dire à droite et à gauche que j’en étais le "progressiste" auteur. Delouv[rier] a stoppé la chose 1) en disant que qui touchait à moi touchait à lui 2) en disant haut que la fuite venait de Paris. Puis on a cherché à enterrer l’affaire, dans le souci – compte sur moi pour ça – de ne pas te nuire. Il n’en reste pas moins que tout ça a mis le feu aux poudres et que nous avons été envahis de journalistes depuis un mois (Tu as vu sans doute que nous avons pris pas mal de mesures pour lutter contre le mal lui-même). Le même général M. a essayé de faire faire une enquête officielle sur l’histoire mais Del[ouvrier] l’a arrêté (Garde ça pour toi, bien sûr). Nous en sommes là. Mais à qui l’avais-tu donné ? Et d’où vient la fuite ? Peux-tu me le dire sous le sceau du secret ? J’espère que tout ça se tassera. Je viendrai bientôt à Paris sans doute et nous pourrons nous voir. En attendant tu sais que tu peux compter fidèlement sur tes amis… Comme toujours, bien amicalement. Eric Doc. 3: Michel Rocard à Éric Westphal (Cavalaire, le 25 mai 1959) Mon cher vieux, Je te remercie de ta longue lettre. Malheureusement on me l'a fait suivre un peu tard, je n'ai donc pas pu voir ton ami à Paris. Tout ce que tu me dis m'a bien rassuré. Je peux confirmer tes impressions : j'ai la quasi-certitude que tout s’est passé à Paris. Dès que j'aurai une certitude complète, je tâcherai de te faire savoir, de toute façon tu peux tenir pour acquis que je n'y suis pour rien, à peine par maladresse : c'est parti de haut ! Bien entendu je serai fort heureux de te revoir à ton prochain passage à Paris. Meilleures amitiés à Martine, Bien à toi, Michel Doc. 4: Michel Rocard à Éric Westphal (Le 26.XII.60) Inspection générale des finances Albergo Sasslong Val Gardena - Italie Mon cher Éric, Sais-tu que ta lettre m'a fait très plaisir. Je me doutais bien que tu n'admettrais pas le vote "non", mais j'étais heureux de constater que tu tenais assez à notre amitié pour me l'écrire, et ceci m'importe beaucoup. Je pourrais évidemment mentir comme cela, en prenant acte d'un désaccord, et en te parlant de ce pays splendide que sont les Dolomites. Mais l'affaire est assez importante pour qu'on s'explique au fond, et je serais déloyal à ton égard si je ne le faisais pas. 1) Tu as eu la délicatesse de parler de la décision "de mes amis" sans me mettre en cause, mais cette décision ne m'a guère contrarié : j'étais un des avocats du non, contre l'abstention : et il faut avoir le courage de ses opinions, et chez nous ce sont plutôt les courants anarchistes qui voulaient l'abstention : refus de toute participation au fonctionnement des institutions. C’est une position que nous ne pouvions accepter. 2) Sur le problème algérien, je considère que le Général se fout du monde lorsqu'il nous demande de répondre en une seule fois à deux questions dont l'une, est réglée par l'ensemble des pouvoirs publics français, [P]arlement compris, depuis 2 ans, et dont l'autre, visant les institutions de l'Algérie algérienne, n'a plus de sens depuis le début de ce mois. La seule vraie question demeure la négociation : tu le sais comme moi. Que De Gaulle prenne son temps, c'est son affaire, qu'il pose la question ou non au peuple français, cela dépend de lui encore que cela nous intéresse, mais qu'il nous demande notre accord sur des dispositions sans signification en susurrant et faisant susurrer de bouche à oreille qu'on négociera dès le lendemain, je trouve le procédé inacceptable. Il n'y a plus de souveraineté populaire ni de démocratie ni de contrôle de l'exécutif dans de telles conditions, et tout ceci va très loin. 3) Je t'accorde volontiers que ce qui précède n'est pas l'essentiel. Le texte de la question est moins important que la situation politique d'où De Gaulle veut sortir. On pourrait donc admettre de voter oui si à cet égard, et malgré l'ambiguïté du référendum, les exigences de la situation étaient d'une suffisante clarté pour qu'un tel vote apparaisse incontestable. Mais tel n'est pas le cas à mon sens, et loin de là. 4) En effet, depuis la tournée des popotes suivant l’élan populaire de la fin janvier 1960, depuis l'échec de Melun dans lequel monGénéral porte une responsabilité prépondérante, il n'est plus possible de lui octroyer une confiance illimitée. Un citoyen isolé peut faire un pari, et le perdre, voter la confiance, et être trompé, sans en retirer autre chose que de la colère. Un parti politique, quel qu'il soit, ne peut se permettre tel comportement : il est jugé sur ses décisions. En politique toute erreur est une faute. Répondant formellement oui à la première question et non à la seconde, refusant le procédé qui consiste à amalgamer ces questions sont posées la seule vraie, et n'ayant pas confiance dans les objectifs du Général, il nous était difficile de répondre oui sans autre forme de procès. Alors l'abstention ? Nous avons souhaité, et tenté d'obtenir, que toute la gauche décide de s'abstenir, évitant ainsi de mêler ses voix avec celle des ultras, et permettant que l'écrasement de ces derniers apparaisse nettement. Mollet et Thorez ne l'ont pas voulu ainsi. 5) Il ne nous reste donc plus qu’à voter non : sans scrupule : l'ambiguïté du référendum n'est pas notre fait, et ce n'est pas nous qui avons choisi de mêler nos voix à celle de Lagaillarde, mais le Général qui nous y contraint en essayant de nous extorquer un blanc-seing que nous refusons. sans beaucoup d'espoir non plus : nous savons fort bien que nous ne déplaçons encore que deux ou trois pourcent des voix. Nous ne contribuerons donc guère à accroître la pression que nous voudrions faire ressentir au Général : l'exigence de paix se fait de plus en plus forte dans l'opinion, et il commence à monter une certaine colère devant les atermoiements du Général. Encore ici précaution de style à ton usage : il n'est pas question de nier que la situation soit difficile, et que la marge de manœuvre du Général soit faible, je le sais comme toi. Mais alors, qu'il ne nous consulte pas. J'ajoute d'ailleurs que notre faiblesse doit te réconforter : si monGénéral conserve encore une chance de faire la paix ce n'est pas nous qui la lui saboterons beaucoup. Nous votons "non" convaincus que le "oui" sera largement majoritaire et convaincus qu'il vaudrait mieux qu'il ne le soit pas trop. 6) Enfin nous votons non avec beaucoup de résolution pour une autre raison qui est peut-être la plus importante. Je suis convaincu, et tu l'es comme moi, qu'il n'y a pas d’équilibre et de progrès politique possible dans ce pays sans que disparaisse ou soit considérablement amoindrie l'emprise du PC sur une grande partie de la gauche française. Réduire le bastion du PC est un objectif tout à fait fondamental, ce n'est pas toi qui me diras le contraire. Sur ce point, depuis 30 ans on a essayé en France la technique du cordon sanitaire : elle est complètement inefficace car elle n'isole rien. Bien au contraire de multiples expériences : celle de la JAC, celle de l’UNEF, celle des minorités syndicales CFTC, montrent à l'évidence que pour faire décrocher les gens du PC, il faut aller les chercher où ils sont, défendre leurs intérêts professionnels et syndicaux, bref faire le vrai travail d'une gauche démocratique et efficace. Pour le PSU, dont le vote est insignifiant au niveau national, voter oui dans les conditions où De Gaulle nous le demande, c'est laisser au PC le monopole de l'opposition au pouvoir personnel : c'est tout notre travail d'implantation dans les syndicats saboté, et c'est surtout autoriser le PC à se prétendre auprès de la classe ouvrière le seul parti qui n'ait jamais trahi la démocratie. Ce serait fort grave. Si nos deux ou trois pourcent de voix étaient absolument indispensables, si nous étions tout à fait sûrs à la fois d'être nécessaires à De Gaulle et qu'ils nous consulte bien sûr ce qu'il a l'intention de faire, nous envisagerions évidemment les choses différemment. Mais tel n'est pas le pas. Alors renoncer à notre objectif fondamental, qui est de fabriquer en France une gauche jouant le jeu démocratique national, pour modifier d'une manière pratiquement négligeable l'importance du blanc-seing populaire donné à De Gaulle sur de fausses questions : je pense honnêtement et fermement que nous n’en avions pas le droit. Voilà, c’est écrit un peu vite, et bien entendu je n’espère guère t’avoir convaincu. Mais j’espère t’avoir amené à respecter nos raisons, car elles sont fortes. Coller à Thorez ne me gêne point puisque c’est la condition nécessaire pour lui faucher ses troupes. Coller à Lagaillarde me soucie peu : ce n’est pas nous qui avons choisi cette situation, et il n’est pas admissible de choisir ses opinions en fonction de ses adversaires. De toutes façons cette collusion condamne plus le référendum lui-même que nous. Tout ceci dit, mon bon, je te recommande vivement les Dolomites. C’est un pays absolument splendide. Nous avons une neige excellente et un temps royal, dans un pays qui compte parmi les plus beaux que je connais. J’espère que toi aussi tu te reposes bien. Il faudra réprendre à Paris nos projets de rencontre, qui ont finalement avorté à cause de mon départ à Nice. Meilleures amitiés à Martine et à toi et meilleurs vœux pour l’an nouveau. Michel Doc. 5: Éric Westphal à Michel Rocard (5.12.92) Monsieur Michel Rocard Mon cher Michel, Encore merci de ce dîner de jeudi ! C'est merveilleux de se retrouver, au fil des années, comme si on s'était quitté la veille, à peu de choses près… Et puis nous étions heureux de faire la connaissance de Ilana qui a un charme fou ! Ce mot pour une raison bien précise : j'ai ressorti hier mes dossiers d'archives d'Alger pour rechercher certaines dates et dossiers pour Delouvrier. Je n'y avais pas mis le nez depuis 30 ans ! Et voilà que je tombe sur l'original de ton rapport à D. sur les camps de regroupement, 17.02.59, portant ta signature. Et puis deux lettres de toi à moi, au sujet de la fameuse fuite. Pourquoi ce texte est-il dans mes archives, je ne sais. Comme nous en avions parlé jeudi, si je m'en étais souvenu, je te l'aurais dit, bien sûr. En attendant, comme il s'agit à mon sens d'une pièce quasi "historique", veux-tu que je te la donne ? Elle serait mieux dans tes archives que dans les miennes, il me semble… J'ai aussi trouvé des choses a/s de Bugnicourt, notamment copie de son ordre de mutation dans un régiment. Que de choses me sont remontées à la mémoire. Quelle période nous avons vécue là ! Voilà. Dis-moi que faire. Éventuellement peux-tu me donner le nom et le téléphone de ta secrétaire de confiance ? Est-ce toujours Scarlett Courvoisier, dont j’avais il y a quelques années les coordonnées ? Mais tout cela a dû changer… [1] Cf. dans ce numéro l’interview de Jacques de Larosière, 25 janvier 2023.
[2] Témoignage de Michel Rocard, 17 décembre 1999, dans Alessandro Giacone, Paul Delouvrier, Un demi-siècle au service de la France et de l’Europe, Paris, Descartes & cie, 2004, p. 103-106.
[3] En lui remettant la légion d’honneur, Delouvrier dira que « Westphal était sa conscience en Algérie ». Cf. Témoignage d’Eric Westphal, 1er mars 2005, dans Alessandro Giacone, Les Grands Paris de Paul Delouvrier, Paris, Descartes & cie, 2010, p. 45-48.
[4] Témoignage de René Lenoir, 4 janvier 2000, dans Alessandro Giacone, Paul Delouvrier, op. cit., p. 107-108.
[5] Témoignage de Michel Rocard, 17 décembre 1999, Ibid., p. 104.
[6] Ibid., p. 105.
[7] Ibid..
[8] Pierre Emmmanuel Guigo, Michel Rocard, Paris, Perrin, 2020, p. 42-43.
[9] FNSP, Archives Delouvrier-Vaujour, 1 DV 17, Note d’E. Westphal à M. Prévôt, a\s création d’un groupe de travail chargé d’étudier les problèmes posés par les camps de regroupements, 5 mars 1959.
[10] La question posée aux Français est la suivante : « Approuvez-vous le projet de loi soumis au peuple français par le président de la République et concernant l'autodétermination des populations algériennes et l'organisation des pouvoirs publics en Algérie avant l'autodétermination ? »
[11] L’inventaire du fonds Westphal est disponible en ligne : https://www.shpf.fr/wp-content/uploads/2018/02/038-Y-Papiers-Eric-Westphal.pdf [dernière consultation : 12 février 2023]
[12] Michel Rocard, Rapport sur les camps de regroupements et autres textes sur la guerre d’Algérie, Paris, Fayard-Mille et une nuits, 2003.
[13] Hubert Prévôt, stagiaire de l’Ena, proche de Michel Rocard. Jacques pourrait être Jacques de Larosière ou Jacques Bugnicourt. Corbon n’a pu être identifié.
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Dans un entretien exclusif, Jacques de Larosière révèle son rôle dans la diffusion du rapport Rocard sur les camps de regroupement |
Condisciplie de Michel Rocard à l'ENA, Jacques de Larosière a exercé les plus hautes fonctions dans l'administration financière, en France et au plan international : directeur du Trésor, gouverneur de la Banque de France, directeur général du Fonds monétaire international. Mais c'est essentiellement sur les débuts de son parcours à l'Inspection des finances en Algérie qu'il revient ici, dans un entretien exclsuif avec Alessandro Giacone, professeur à l'Université de Bologne, où il raconte pour la première fois comment il a accompagné la transmission du rapport de Michel Rocard sur les camps de regroupement aux plus hautes autorités de l'Etat.
A quel moment remontent vos premiers contacts avec Michel Rocard ?
Ils remontent à l’année 1958, lorsque nous étions tous les deux élèves à l’ENA. Le gouvernement avait décidé que l’ensemble de la promotion ferait son stage en Algérie, ce qui était entièrement nouveau. J’ai rencontré Michel Rocard dans une circonstance tout à fait particulière. L’ensemble de la promotion allait en Algérie en avion. Je désirais faire mon stage en Algérie avec ma voiture – que mon père m’avait offerte à l’occasion mon entrée à l’ENA – car cela me permettrait de mieux explorer le territoire algérien. J’ai expliqué cela à l’Ecole, et ils ont accepté. Il y a eu un autre élève de notre promotion, qui a eu la même réaction que moi – on ne s’était pas concertés – et c’était Michel Rocard. Il a obtenu lui aussi l’accord. Lorsque nous avons compris que nous allions tous les deux en Algérie par nos propres moyens, nous avons décidé de faire route ensemble. Nous avons traversé la France du Nord au Sud et nous sommes arrivés à Marseille. Nous avions un peu de temps avant d’enregistrer nos voitures sur le paquebot et nous avons décidé de passer l’après-midi à nager dans les calanques. Puis nous avons pris le bateau, et nous sommes arrivés à Alger. Voilà l’origine de notre rencontre. Nous n’étions pas très nombreux. Il y avait aussi André Blanc, Jean-René Bernard, Jean-Marie Roche, Jean-Eudes Roullier, qui est devenu plus tard un collaborateur de Paul Delouvrier. Nous avons commencé ainsi notre vie d’inspecteurs des Finances. Était-ce votre première « tournée » ? Comment se passait-elle ? Oui, c’était notre première tournée, à la fois pour moi et pour Rocard. J’ai commencé à Sétif, dans une organisation qui s’appelait les « Contributions diverses ». En gros, on restait une quinzaine de jours, on écrivait notre rapport, puis on changeait de poste. Les vérifications étaient individuelles, ou collectives, quand le poste était plus important : c’était le cas de la Trésorerie générale d’Alger, où l’on se retrouvait tous ensemble, c’est-à-dire en brigade. Michel Rocard y participait, comme moi et comme les autres. Pendant son stage à l’ENA, Rocard a été chargé d’inspecter le service de la topographie foncière. Il remontait à la prise de l’Algérie en 1830 : la première chose qu’il avait fallu faire sur le plan administratif, c’était étudier la topographie locale et établir un cadastre. Par définition, c’était un service réparti dans toute l’Algérie. On a demandé à Michel Rocard de le vérifier, à la fois en ce qui concerne le fonctionnement des services et l’exactitudes des pratiques. En vérifiant la topographie foncière, Rocard est allé d’emblée dans les localités et les villages où était situé ce service. Il s’est aperçu que dans les wilayas, il y avait beaucoup de gens qui étaient assis à la porte des maisons, qui étaient apparemment oisifs. Il a posé la question de savoir ce que c’était. On lui a expliqué que c’était l’armée française qui avait décidé de regrouper, autour de quelques bourgades, des paysans qui étaient, par définition, très répartis dans les régions agricoles. La théorie de l’armée était connue : il fallait sortir les paysans de leur environnement pour éviter qu’ils aident et nourrissent les fellaghas. En concentrant les paysans dans des lieux surveillés par l’armée, on rendrait beaucoup plus difficile la vie des fellaghas. Mais cela posait des problèmes. Comme ils étaient très nombreux, il fallait assurer un minimum d’hygiène, de conditions de vie appropriées pour des gens qui étaient écartés de leur environnement naturel. Les gens étaient libres ? Les camps étaient-ils délimités ? Y avait-il des barbelés ? Je ne me souviens pas très bien. Les gens n’étaient pas libres, ils étaient concentrés, assis toute la journée. Rocard m’a dit un jour : « Viens avec moi » et nous avons passé une journée à regarder les villages en question. Et petit à petit, ce qui devait être une vérification administrative classique est devenu un travail sur les camps de regroupements. Et c’est cela qui est intéressant pour comprendre Rocard. Dans une telle situation, 99% des fonctionnaires se seraient focalisés sur la vérification comptable du service. Lui, il s’est focalisé sur les camps de regroupements. C’est un éclairage sur le personnage. J’avais beaucoup de sympathie pour cette option qu’il a prise. Lorsqu’il a établi son rapport sur la vérification et sur les camps de regroupement, il m’en a donné un exemplaire et m’a demandé de le faire circuler à l’Elysée. Il pensait que j’étais mieux placé que lui pour accéder au cabinet du Président. De son côté, il l’a diffusé de manière parfaitement réglementaire : il a envoyé le rapport à son chef de service de l’Inspection à Paris, à l’inspecteur général qui s’occupait d’Algérie, et à Paul Delouvrier, qui était le délégué général du gouvernement. De ce fait, il avait transmis son travail par la voie hiérarchique aux gens concernés. De mon côté, rentré à Paris au printemps 1959, avec l’inconscience du jeune homme que j’étais, j’ai demandé rendez-vous à la présidence de la République (de Gaulle venait de s’y installer) et à son secrétaire général, qui était René Brouillet. Je me suis rendu à l’Elysée avec le rapport Rocard, que j’ai commenté. Brouillet m’a écouté. Je lui ai dit que l’existence des camps de regroupements n’était pas connue, et que cela pourrait être très nocif pour la réputation de l’armée et de la France en Algérie. « Je vous conseille de regarder ce rapport et d’en tirer les conclusions ». Visiblement, mon interlocuteur a été étonné de ma visite. Je lui ai tendu le rapport, il l’a pris de manière très précautionneuse, comme si c’était quelque chose qui allait lui éclater dans les mains. Il a traversé la pièce, le rapport dans les mains, il a ouvert le coffre-fort, il l’a mis dedans et il a refermé le coffre-fort, et puis nous nous sommes quittés. Je me suis dit : « Ce rapport n’aura pas beaucoup d’écho à l’Élysée s’il reste dans le coffre-fort de M. Brouillet. » Quelques jours près, Le Monde a sorti le rapport dans son intégralité, d’où la lettre de Michel Rocard à Éric Westphal. Il était étonné car il n’avait pas provoqué la fuite, j’en suis absolument certain. Il était ennuyé car il ne savait pas d’où elle venait. Rocard m’a raconté en 1999 que Delouvrier avait gardé six exemplaires du Rapport, et qu’il en avait donné trois à Rocard. J’ai lu que celui-ci en avait donné un à Jean Maheu. J’en ai eu un. Jean Maheu faisait partie de la promotion de l’ENA, et il était à la Cour des comptes. Je me suis toujours demandé qui a provoqué la fuite. C’était certainement le Garde des Sceaux Edmond Michelet. En fait, la publication du rapport a été un choc, et je comprends que Rocard en ait été ennuyé (je l’ai été moi aussi, car j’étais l’un de ceux qui ont diffusé le rapport). Mais je pense, avec le recul du temps, que cela n’a pas été une mauvaise chose. Les camps de regroupement étaient quand même très à la limite de ce qu’on peut faire en démocratie – on ne l’aurait pas fait en Métropole –, une action très violente et sans contrôle quelconque. L’armée l’avait fait de sa propre volonté. Cela allait au-delà d’une décision militaire de caractère tactique, c’était quelque chose de plus important. Je pense que la diffusion du rapport Rocard a aidé, car elle a d’abord permis de prendre connaissance de ce fait, ensuite de réagir. C’est une histoire très intéressante, parce qu’elle concerne à la fois la guerre d’Algérie et les rapports entre l’administration, l’armée et la politique. Que Michelet l’ait fait, ce n’était pas bien, car son rôle n’était pas de faire fuiter les rapports, mais je comprends qu’un homme comme lui, pour ce qu’il représentait sur le plan politique et moral, ait pris cette décision. Dans l’une des lettres que nous publions, Rocard parle d’un « irresponsable, malgré ses hautes fonctions ». La réaction de Rocard est compréhensible, on était des fonctionnaires, on n’était pas chargé d’une mission nationale de diffusion. On devait respecter le caractère secret de ce qu’on avait vu et fait. La nouvelle de la fuite l’a gêné et m’a gêné aussi. « L’ami Jacques risque d’avoir quelques ennuis. Veux-tu lui dire que […] je suis désolé de cette histoire, et que j'espère qu'il n'en ressentira pas le contrecoup. ». Le Jacques en question, est-ce vous ? Car il y avait aussi Jacques Bugnicourt. Bugnicourt était très important là-bas. C’était un ami de Rocard qui n’était pas de la promotion. Je l’ai connu à cause de Rocard. C’était une personnalité un peu mystérieuse. C’était le seul que j’ai connu qui pouvait approcher les hommes de la résistance algérienne. Bugnicourt m’avait initié à la Casbah d’Alger. Je m’en souviens comme si c’était hier. C’était un endroit où il ne fallait pas aller, où il n’y avait que des Algérois. Mais Bugnicourt avec son uniforme militaire m’a dit un jour : « Tu viens avec moi, je vais te montrer ce qu’est la Casbah ». On a passé une matinée dans la partie la plus intime d’Alger algérien. Qu’il ait eu un rôle dans cette histoire ne m’étonnerait pas. Rocard m’a parlé d’un dîner chez lui avec Paul Delouvrier et les stagiaires de l’ENA, où Jean-Eudes Roullier avait projeté des photos de l’assaut au Palais d’été, le 13 mai 1958. Y étiez-vous ? Je me souviens très bien que Jean-Eudes Roullier, qui était un ami, avait suivi à la minute les journées de mai 1958. Il m’avait montré ces photos. Pour lui, le souvenir du 13 mai était quelque chose d’extrêmement vivant et vivace. Mais je n’ai pas le souvenir d’avoir participé à ce dîner. Quant à Delouvrier, je l’ai croisé, mais j’étais un modeste inspecteur des Finances ; lui, le délégué général du gouvernement : je n’avais pas de raison particulière de le rencontrer. C’était une personnalité dans laquelle nous avions confiance, parce qu’il avait été nommé par le Général De Gaulle. Ce n’était pas le résident général d’autrefois, mais un homme beaucoup plus ouvert. De plus, il était inspecteur des Finances. Mais je n’ai pas de souvenir très précis de rencontres avec lui. Mon travail était de vérifier des comptables et des percepteurs. Dans son rapport sur les camps de regroupements, Rocard écrit que « la situation était moins mauvaise dans l’arrondissement de Blida qu’ailleurs ». Y avez-vous été aussi ? Oui, oui, j’ai été à Blida. En fait, j’ai été un peu partout en Algérie, comme Rocard d’ailleurs. J’ai profité de cette voiture que j’avais pour me promener : il y avait des oasis magnifiques. J’ai visité Constantine, Oran, Sétif, en dehors de mes inspections, pour voir ce que je pouvais voir. J’ai vu des choses extrêmement intéressantes. Les services de percepteurs qui étaient établis en Algérie ne pouvaient pas exercer leur activité comme ils l’auraient fait en Métropole. Il fallait aller dans les villages et dire aux gens sur les marchés : « Je sais que tu dois de l’argent ». Cela ne se faisait pas par des papiers. J’ai participé à des tournées de perception – alors qu’on était en pleine guerre d’Algérie – et un administrateur m’a montré comment cela se passait : les percepteurs fouillaient les marchands en mettant directement les mains dans leurs robes, c’était un échange de billets. C’était extrêmement risqué, le percepteur français y allait sans aucune sorte de protection. Il faisait un acte d’héroïsme dont il ne se rendait pas compte lui-même. Si vous restiez derrière votre guichet en attendant que les gens viennent payer les impôts, vous pouviez attendre indéfiniment. C’était une autre culture. […] Le militantisme de Michel Rocard au PSU était connu de ses supérieurs hiérarchiques ? Oui, c’était tout à fait connu, il ne pouvait pas cacher ça, mais cela ne posait pas de problème dès lors qu’il séparait son militantisme de ses activités de fonctionnaire. L’ennui avec la « fuite », c’est que les deux fonctions n’étaient plus séparées. Cette dimension « militante » le rendait-il différent des autres inspecteurs des Finances ? Ses positions étaient bien connues. Il avait beaucoup d’idées politiques, il était en opposition avec son père, il était très « positionné ». Avez-vous gardé des contacts après votre départ de l’Algérie, en 1959 ? Oui, on s’est pas mal vu en 1959-60 dans les périodes de vérifications en Métropole. J’ai des souvenirs, on a vérifié des services tous les deux à Lille (je le revois encore remonter dans un train pour Paris). On n’était pas d’accord sur le plan politique. Il avait une vision très affirmée, qui l’entraînait vers des prises de position favorables à la répartition du pouvoir de décision dans un sens beaucoup plus participatif. Il était assez marqué par les expériences yougoslaves d’autogestion. J’avais beaucoup de doutes sur cela. Mais on s’entendait très bien quand même ! On en arrive ensuite à la période où vous êtes gouverneur de la Banque de la France, alors que Michel Rocard est à Matignon. Il y a d’abord eu le Comité Delors, chargé de réfléchir à la perspective d’une monnaie unique. En parcourant les archives de Padoa-Schioppa (le secrétaire général du Comité), j’ai eu l’impression que vous en étiez un peu l’élément moteur. J’ai eu un rôle assez particulier lors des discussions du Comité Delors. Je savais bien qu’on ne pourrait trouver un accord avec les Allemands, les Italiens, les Espagnols etc. que si l’on s’entendait sur le problème de l’indépendance de la Banque centrale. Or cette notion était tout à fait étrangère à la vision française : nous avions toujours eu l’habitude d’une banque centrale solidement dans la main du gouvernement. Je me suis dit : « Les discussions du rapport Delors vont buter sur le problème de l’indépendance. Si nous voulons arriver à une solution dans le groupe, il faut que nous, les Français, changions de position sur l’indépendance de la Banque de France ». M. Bérégovoy, qui était ministre des Finances, m’avait dit : « Vous allez participer au Comité Delors, je souhaite que vous vous rapprochiez du directeur du Trésor [Jean-Claude Trichet] pour préparer les sessions, les ordres du jour etc. » Je lui ai répondu : « Monsieur le ministre, avec tout le respect que je vous dois, je ne pourrai pas accepter cette vue des choses. Si vous me demandez de me mettre d’accord avec le directeur du Trésor sur tous les sujets que l’on va aborder au comité Delors, ça veut dire que vous ne me faites pas confiance et que le Trésor prend en main cette affaire. Et si vous me ne faites pas confiance, il faut m’écarter, et je m’en irai. » Surtout que les gouverneurs des banques centrales siégeaient à titre personnel... La décision qui avait été prise, c’était que les gouverneurs étaient choisis à titre personnel et pas en tant que représentants de leur pays. J’ai dit à Bérégovoy que si j’étais chapeauté par le Trésor, je ne pourrai pas siéger à titre personnel : « Je comprends que vous vouliez avoir la main sur cette négociation, mais à ce moment-là, je vais démissionner. » Cela ennuyait le gouvernement, car un gouverneur de la Banque centrale qui démissionne, c’est problématique. Bérégovoy m’a dit : « Bien entendu, j’ai confiance en vous, mais pour la bonne marche des choses… » Je lui ai répondu : « Écoutez, on se voit d’habitude une fois tous les dix jours, avec le directeur du Trésor et le ministre, je continuerai à faire ces visites de routine et à l’occasion, je ferai le point sur l’état d’avancement des travaux du Comité Delors. » On s’était entendu sur cette base. Cependant, je n’étais pas tranquille. Je suis favorable à l’indépendance de la Banque de France, le ministère et le Trésor ne le sont pas, je vais donc me trouver dans une situation difficile. De ce fait, j’aurai un obstacle à défendre ma position. Alors, j’ai décidé d’aller voir le président Mitterrand. Je ne voulais pas le voir avec sa cohorte de conseillers, du coup j’ai demandé à le voir tout seul, ce qui fut accepté. Le comité Delors avait déjà commencé ses travaux. Je me rendis à l’Elysée. J’ai dit au président de la République : « Je suis celui qui négocie pour la France la question de l’union monétaire. Il faut que vous sachiez, Monsieur le Président, que si on ne s’entend pas sur l’indépendance de la Banque centrale, on ne fera pas l’accord, c’est-à-dire qu’on ne fera pas l’union monétaire. C’est aussi simple que cela. Et personnellement, je pense que cette indépendance est une bonne idée. » Mitterrand ne m’a pas dit : « Allez-y, je suis pour l’indépendance de la Banque centrale ». Il m’a sorti des phrases plus générales, de caractère sociologique, sur le fait que dans les démocraties modernes, il y a une tendance à déléguer les pouvoirs à des autorités indépendantes. Je me suis dit qu’il fallait interpréter ces phrases non pas comme un feu vert, mais comme un feu orange, c’est-à-dire : « Débrouillez-vous ». J’ai donc été content de cette visite, dont je n’ai parlé ni au ministre des Finances, ni au directeur du Trésor. Mitterrand savait que j’étais favorable à l’indépendance de la Banque centrale. Ce que j’ai fait. Cela a changé la nature des travaux du Comité Delors. Ils s’imaginaient tous que le Français allait s’y opposer, ma position les a déconcertés, car le désaccord qui se pointait n’a pas eu lieu. Les travaux ont été bien plus faciles que prévu. En lisant les comptes rendus du Comité, on a l’impression que c’est toujours vous et le gouverneur de la Banque d’Italie, Ciampi, qui faisiez les propositions, et que Delors se mettait en retrait. Vous avez tout à fait caractérisé les rôles des uns et des autres. Delors était silencieux sur ces sujets. Et c’est à mon sens l’une des raisons qui lui ont permis d’obtenir cette unanimité. Il ne s’est pas immergé lui-même dans la discussion, il est resté silencieux. On ne s’est jamais concerté avant les réunions, chacun a joué le jeu. Et je dois dire que Delors a très bien dirigé cette affaire. Il ne s’est pas mêlé activement à la discussion, pour l’influencer, il a laissé se développer un accord qui, finalement, a été facilité par ce que j’avais obtenu du président de la République. D’après les archives Mitterrand, on a l’impression que Rocard a été totalement absent des négociations du traité de Maastricht. Est-ce votre sentiment ? Le Rapport Delors est sorti au printemps 1989. Je n’avais pas tenu le Ministère au courant des détails de la discussion et quand le rapport est sorti, ça a été la douche froide aux Finances. J’ai été convoqué par le ministre à une réunion qui a eu lieu au Louvre. Je me souviens d’une table immense, j’étais seul à un bout, et à l’autre bout il y avait Bérégovoy, son directeur de cabinet, le directeur du Trésor, et un certain nombre de hauts fonctionnaires. Le contact a été très froid. M. Bérégovoy a donné la parole à M. Trichet, cela a été une avalanche de critiques : « Je ne comprends pas comment le gouverneur de la Banque de France a pu prendre une telle position, il a fait des concessions inimaginables. » Quand cela a été fini, M. Bérégovoy m’a donné la parole. J’ai répondu sur un ton mi-ironique, mi-sérieux : « M. Trichet a utilisé plusieurs fois dans son exposé le mot "concession". En français, je crois, la concession, c’est un sacrifice que l’on fait dans une négociation, en atténuant sa propre position pour obtenir un accord. On ne comprend pas cette expression. Je n’ai pas fait de concession, en affaiblissant la position française pour obtenir un accord des Allemands. C’était peut-être moi, dans le groupe, qui étais le plus favorable à l’indépendance de la Banque centrale, et vous le saviez, car je l’ai écrit dans des articles depuis des années. C’est moi qui l’ai voulu, et M. Trichet a raison, j’en ai rajouté. Car je pense que ce serait une folie d’avoir une Banque couvrant un ensemble d’Etats et qu’à chaque fois qu’il faut prendre une décision en matière monétaire, il soit nécessaire d’avoir un accord intergouvernemental. Je ne veux pas assimiler mon nom à une telle position. » […] Une fois que j’eus dit ça, M. Bérégovoy, qui était un homme très intelligent et qui allait tout de suite à l’essentiel, a pris un certain ton en s’adressant aux autres : « En fin de compte, c’est M. de Larosière qui a raison dans cette affaire. On n’aurait pas de Banque centrale, si elle n’était pas indépendante. Je ne le lui reproche pas. Maintenant qu’il va y avoir une Banque centrale dotée d’une autorité énorme, il faut cependant contrebalancer cela par une autre source de pouvoir, celle d’une autorité politique qui puisse servir de contre-poids et collaborer avec la première ». J’ai été tellement heureux de cette position que j’ai dit : « M. le Ministre, j’approuve à 200% ce que vous venez de dire ». Et la réunion s’est terminée ainsi. […] Après il y a eu la négociation du traité de Maastricht, à laquelle je n’ai pas participé, mais je n’ai pas le souvenir que Rocard y ait joué un rôle particulier. La voie à l’Union monétaire a été ouverte par le Rapport Delors. […] Lorsque Michel Rocard était Premier ministre, avez-vous eu des désaccords, par exemple sur la question de la lutte contre l’inflation ? Non, on était tout à fait sur la même longueur d’onde. Pour moi, il a été un Premier ministre idéal, parce qu’il était intelligent et n’a jamais cherché à paralyser ou à influencer la politique monétaire. Il avait d’ailleurs dit au président Mitterrand : « Vous aurez beau chercher à limiter l’indépendance de la Banque de France, vous n’y arriverez jamais. » Il m’a été d’un grand secours, car j’ai eu des moments un peu difficiles entre le pouvoir et moi sur une nomination très emblématique que je n’avais pas acceptée. Mitterrand en avait été très affecté. J’ai demandé à Rocard si cela était réparable. Il m’a dit : « Non, ce n’est pas réparable, mais je vais en parler au président de la République. » Il m’a dit après sa rencontre avec Mitterrand : « J’en ai parlé, l’affaire a été évoquée. Tu ne regagneras jamais la position de totale confiance, mais la page est tournée. » Michel Rocard était un homme sur lequel on pouvait compter. Propos recueillis par Alessandro GIACONE, Professeur à l'Université de Bologne, entretien avec Jacques de Larosière (25 janvier 2023) |
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