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Michel Rocard et les Jeux Olympiques : fallait-il boycotter les J.O. de Moscou en 1980 ? |
Quand fin décembre 1979, l’Union soviétique intervient militairement en Afghanistan, renverse le régime en place et occupe une grande partie du territoire, intervention condamnée par l’ONU le 14 janvier 1980, la question du boycott des Jeux Olympiques prévus à Moscou six mois plus tard est rapidement soulevée sur la scène internationale.
Le 20 janvier, le président américain Jimmy Carter est l’un des premiers à lancer l’ultimatum : si l’URSS ne se retire pas d’Afghanistan sous un mois, son pays est prêt à envisager le boycott des J.O. de Moscou. Il est rapidement suivi par le Canada. La France déclare à la fois soutenir le boycott (ce qui signifie notamment l’absence de représentation officielle et de participation à la cérémonie d’ouverture) et laisser le Comité olympique français et les fédérations sportives décider de leur participation. Le 22 janvier, Andrei Sakharov, prix Nobel de la Paix et défenseur des droits de l’homme en Union soviétique, est arrêté et envoyé en exil à Gorki. Le lendemain, à l’appel du Comité droits de l’homme-Moscou 80 présidé par l’écrivain Marek Halter, un millier de personnes, dont André Glucksman et Bernard-Henri Lévy, manifestent devant l’ambassade russe pour dénoncer cette arrestation arbitraire. Au même moment, à l’initiative de Jacques Julliard, des intellectuels signent un appel au boycott, parmi lesquels Raymond Aron, Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir, Michel Foucault, André Glucksman, Bernard Kouchner, Emmanuel Le Roy Ladurie, Yves Montand et Simone Signoret. Cet appel condamne « fermement l’agression militaire délibérée » en Afghanistan et le manque de courage du personnel politique face à cette invasion. Le 14 janvier, lors de l’émission d’Antenne 2 « Cartes sur table », François Mitterrand condamne naturellement avec vigueur l’agression soviétique mais écarte l'utilisation de l'arme alimentaire ou le boycottage des Jeux olympiques de Moscou à titre de rétorsion. « Je crois davantage aux dispositions de caractère technologique », indique-t-il. Le 28 janvier, au micro d'Europe 1, Michel Rocard demande l’ouverture d’un débat sur la question du boycott des J.O. de Moscou. « J'entends ouvrir ce débat à l'intérieur du P.S., car je crois qu'il est urgent maintenant de prendre des positions nettes. Il n'y a pas eu de délibération collective de nos instances supérieures à ma connaissance », déclare-t-il. Michel Rocard est évidemment sensible à l’émotion de l’opinion publique et des milieux intellectuels ; et dans les huit mois qui précèdent la désignation du candidat socialiste à l’élection présidentielle de 1981, il entend se démarquer de ce qu’il considère comme les prudences excessives de François Mitterrand. Le lendemain, le porte-parole du P.S., Georges Fillioud, répond à Michel Rocard : « Le P.S. refuse de choisir un camp contre l'autre, mais il choisit résolument les causes du sport et de la paix. » Étrange équidistance entre l’agresseur et l’agressé ! De son côté, Arthur Notebart, cacique de la fédération du Nord et député-maire de Lomme, prend position pour le boycott, ainsi que son suppléant, Yves Durand, secrétaire national adjoint du P.S. Le 30 janvier, le bureau exécutif du P.S. se saisit de la question. Michel Rocard propose à la direction du Parti un texte dans lequel il affirme qu’« il ne s'agit plus aujourd'hui de savoir si l'on est pour ou contre le boycottage des Jeux de Moscou. C'est une question dépassée par l'évolution des événements et de la prise de conscience universelle. Continuer à poser le problème en termes de participation ou non-participation reviendrait à vouloir à toute force se situer dans l'un ou l'autre des deux camps qui cherchent à se partager la planète. Il faut aujourd'hui constater le décès des Jeux olympiques tels que nous les avons vus se dégrader dès 1936, marqués par la propagande nationaliste, par l'affairisme, par la dénaturation de l'acte sportif au travers d'excès inhumains. » Il précise également qu'il est de la responsabilité des socialistes de proposer « une nouvelle définition de la compétition olympique » et conclut : « Cette crise est l'occasion d'effectuer un choix courageux, celui du pays qui accueillera tous les quatre ans la flamme olympique (...). Ce serait l'honneur de la France de faire des propositions dans ce sens ». Ce texte n’est voté que par les six membres rocardiens du bureau exécutif, les mitterrandistes et les amis de Pierre Mauroy votant contre. La majorité vote un texte qui confirme son hostilité au boycott, refuse notamment « l'engrenage d'un retour à la guerre froide » et marque sa « volonté de préserver toutes les possibilités de contact entre les peuples ». Il souligne que les socialistes « n'acceptent pas l'hypocrisie selon laquelle les hommes d'affaires de l'Ouest et de l'Est pourraient poursuivre de fructueux échanges, cependant que les sportifs seraient de simples jouets entre les mains des États » et souhaitent que les Jeux de Moscou « ne soient pas une confrontation de nationalismes par l'intermédiaire d'athlètes » et se déclare « prêt à examiner les propositions allant dans ce sens, que ce soit la suppression des hymnes et des drapeaux ou la création d'une enclave olympique au choix du comité international olympique ». Les choses n’en restent pas là puisque le lendemain 31 janvier, au micro de France-Inter, Michel Rocard dit de la résolution majoritaire : « C'est une décision qui sera appliquée par discipline ; je crois qu'elle n'est pas assez préparatrice de l'avenir. » et ajoute : « Nous ne pouvons pas faire comme si les Jeux olympiques allaient se dérouler normalement ; quelle que soit la décision que nous prendrons, nous ne pourrons pas faire comme si l'Afghanistan n'avait pas été envahi (...) Il faut savoir que les Jeux de Moscou n'auront pas la signification des Jeux olympiques complets. Il faut dès maintenant que les politiques, au lieu de se mêler d'aller régler les problèmes des sportifs, ouvrent la voie à la recherche d'un olympisme nouveau, moins marqué de nationalisme ; il faudra donc probablement accepter qu'il n'y ait plus ni drapeaux ni hymnes, et que le lieu des Jeux soit un lieu respecté en tant que tel », proposant la Grèce, la France ou un pays neutre… Naturellement, cette déclaration entraîne une réaction du secrétariat national du P.S. qui affirme, dans un communiqué, que « contrairement aux déclarations faites à la radio par M. Rocard, la position prise collectivement le 30 janvier par le bureau exécutif du parti socialiste sur les Jeux olympiques est bien préparatrice de l'avenir. Le bureau exécutif, en constatant l'altération grave de l'esprit olympique, la dégradation de la signification des Jeux, a en effet souhaité qu'ils redeviennent une fête culturelle, universelle et fraternelle et qu'ils ne soient pas une confrontation de nationalismes par l'intermédiaire d'athlètes ». L’éditorialiste du Monde relève qu’en réalité les deux positions n’étaient pas aussi tranchées qu’il pouvait le paraître et qu’« un texte de compromis aurait pu être élaboré si, à la volonté de la direction de bien marquer que M. Rocard est minoritaire, n'avait pas répondu l'égal souci de ce dernier de prendre date sur cette question. Il reste que le débat n'est pas clos. La direction, qui souhaitait en prenant position sur le boycottage, montrer la volonté du P.S. de maintenir les voies de la détente qui subsistent, ne pourra sans doute conserver sa position s'il apparaît que les Jeux olympiques deviennent de simples Spartakiades. » Michel Rocard revient sur le sujet, dans une interview à Libération du 5 février 1980 : « Les Jeux sont déjà morts. Et pour les raisons que donne le président du Comité olympique français lui-même : le pourrissement par un nationalisme exacerbé, le dopage au service du nationalisme, l'affairisme qui les entoure, les incidents politiques. (...) Le doublé Kaboul-Sakharov constitue évidemment une provocation assez monstrueuse, mais, d'un autre côté, l'olympisme, ce n'est pas mal, la charte olympique mérite le respect. Alors, il faut trouver d'autres solutions. Il faut que les hommes politiques respectent l'esprit de la charte olympique. Il est bon que les comités olympiques nationaux soient indépendants. C'est pour cela que je n'ai pas plaidé pour le boycottage. « Personnellement, j'avais très envie d'aller aux Jeux. Je n'y ai jamais assisté. J'en aurais profité pour faire un petit voyage d'information. Il n'est évidemment plus question que j'y aille, maintenant. Pour des raisons de dignité politique. Mais ces raisons, je me les impose comme militant, comme citoyen. » Plaidant pour l’« invention de nouveaux Jeux » et pour « l'extra-territorialité des lieux où ils se dérouleront », il ajoute : « Boycotter les Jeux, c'est une mesure purement symbolique. Elle vise le prestige de l'U.R.S.S., pas ses intérêts. Je ne pense pas à des mesures militaires, mais, dans les domaines économiques, commerciaux, des échanges culturels, il y a largement de quoi trouver des réponses appropriées. Avec les dirigeants soviétiques, qui sont des gens réalistes, durs, cohérents, il faut des pressions fortes. » |
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Gilles Orselly : plus qu'une nostalgie... |
Le rocardisme et moi, c’est une histoire qui aurait pu ne jamais commencer. Jeune adhérent au PS en janvier 1981, j’étais tout feu tout flammes pour rompre avec le capitalisme en 100 jours comme on nous l’avait promis. Michel Rocard était pour moi trop modéré. La griserie ne dura pourtant pas. Un an plus tard, nous n’avions pas radicalement changé la vie. Et comme je voyais dans mon parti des luttes féroces pour le pouvoir, je compris que les discours très à gauche ne faisaient qu’habiller des calculs très cyniques. Cette même année 1982, mourait Pierre Mendès France. Je compris que le modèle de la gauche devait se trouver là et que Michel Rocard en était l’héritier.
Je franchis le Rubicon, je rejoignis les rocardiens du Rhône réunis autour de Gérard Lindeperg. C’est Gérard qui m’a propulsé dans le cœur de la rocardie en m’envoyant participer à une rencontre nationale de jeunes rocardiens organisée par la troïka Stéphane Fouks-Manuel Valls-Alain Bauer. Ce fut l’occasion pour moi d’entrer dans cet univers où je prendrais ma place une fois monté à Paris. Ce fut aussi pour moi celle de mon premier échange avec Michel… pour lui dire en public qu’il s’était trompé de date sur la création de l’UNEF. Bien des hommes politiques que j’ai rencontrés par la suite ne m’auraient jamais pardonné le crime de lèse-majesté. Lui me donna raison. L’anecdote est significative : elle montre qu’il n’avait rien d’un de ces nombreux vaniteux pullulant dans ce milieu mais que cet intellectuel engagé en politique aimait les échanges sur un pied d’égalité. Découvrant la rocardie, je constatai un fait qui n’est bizarrement jamais évoqué : au début des années 1980, Michel agglomérait autour de lui deux générations très différentes de ses partisans, aux cultures radicalement dissemblables. D’un côté les anciens du PSU, venus à lui pour soutenir la décolonisation et impulser une démarche de profonde transformation sociale dans notre pays. De l’autre, des jeunes étudiants souvent surdiplômés qui étaient devenus rocardiens par opposition aux fantaisies économiques de François Mitterrand. Pour résumer : les socialistes les plus à gauche et les socialistes les plus centristes. Il faut admirer que cet amalgame incertain se soit révélé une franche réussite. Jamais la différence de nos origines historiques n’introduisit la moindre fracture entre nous. Certes, des minoritaires doivent toujours se serrer les coudes et le climat de l’après 1981 ne nous était franchement pas favorable au PS. Mais je crois surtout que le projet rocardien était à la fois assez exaltant et assez respectueux de tous pour transcender les différences. Comme il le faisait d’ailleurs dans la société française à en croire les sondages de l’époque. Monté à Paris, j’intégrai sur le quota de la motion rocardienne l’équipe nationale du MJS, pour constater qu’elle ne servait alors pas à grand-chose. Je militai d’un peu plus loin à Forum. Plus passionnant : je rejoignis à l’automne 1987 le 266 du boulevard Saint-Germain, où une petite équipe préparait les futures échéances. Équipe doublée par la structure secrète des jeunes organisés par Manuel, qui s’activa durant des mois dans une pré-campagne présidentielle « dans tous les cas de figure » sans qu’il n’y ait jamais eu aucune fuite. Nos ainés eux-mêmes n’en savaient encore rien. C’est avec la troïka que j’ai appris l’esprit commando qui m’a servi plus tard en d’autres circonstances ! Si je ne croyais pas un instant que Mitterrand raccrocherait, je n’ai jamais regretté d’avoir partagé les combats de camarades plus optimistes que moi. Juste déploré que l’annonce présidentielle fut tombée au moment où j’étais invité à intégrer le tout petit cercle organisationnel d’une campagne qui ne devait jamais avoir lieu, et dont je persiste à penser qu’elle manqua à l’histoire politique de la France. Après les présidentielles, j’ai figuré dans l’équipe des rocardiens investissant enfin en force la rue de Solférino. J’ai travaillé avec mon cher ami Pierre Brana sur les sujets de l’urbanisme et de l’environnement. L’écologie n’intéressait alors à peu près aucun hiérarque socialiste mais nous avions le soutien de Michel, qui en avait, parmi les premiers, compris l’importance. En 1988, sortait le rapport Brundtland, qui révélait déjà à l’opinion publique le risque du changement climatique et la nécessité du développement sustenable, que je traduisais de façon prémonitoire par durable, malgré les remarques pertinentes d’un conseiller de Michel me disant que soutenable avait aussi une dimension éthique. Il faut relire le discours de Pierre Brana au congrès de Rennes sur l’écologie. S’il n’avait alors pas marqué des esprits occupés à d’autres considérations, il est aujourd’hui d’une plus brûlante actualité que les calculs d’apothicaires de cet infernal congrès. Que dire par ailleurs de mes combats sur le terrain à Sarcelles ? En dehors de l’amertume d’une défaite aux municipales, causée par une trahison communiste, j’en conserve le souvenir des procès injustes instruits par les militants socialistes contre le premier ministre Michel Rocard, encore une fois accusé de n’être pas assez à gauche. Quelle cécité ! Si l’on dresse le bilan des gouvernements de gauche, celui de Michel, avec le RMI, la CSG, la paix en Nouvelle-Calédonie, n’a à rougir devant autre à l’aune de ce seul critère « de gauche »é. Quand j’ai quitté la capitale pour aller travailler dans des collectivités fin 1990, je me suis éloigné du cœur nucléaire de la rocardie. Je baignais pourtant encore dans le rocardisme, conseiller de Jean-Pierre Sueur puis chef de cabinet de Michel Destot, auprès duquel j’ai vécu la mise en œuvre concrète de nos idées, en alliant le soutien à l’économie et le progrès social, avec une forte dimension internationale, je dirais même universaliste. Avec Michel Destot, j’ai beaucoup bourlingué à l’occasion de nos coopérations décentralisées, jusqu’au Kosovo, où nous surprîmes nos interlocuteurs en tenant notre promesse d’équiper leur dispensaire de Mitrovica alors que les Serbes tenant l’hôpital en interdisaient d’accès les kosovars. J’ai conservé aussi le souvenir fort d’une de nos missions à Ouagadougou, auprès d’une municipalité attentive à l’amélioration des conditions de vie d’une population pauvre mais enthousiaste. Sans oublier un passage dans le bureau du président burkinabé de l’époque, chez lequel nous allâmes tirés à quatre épingles sur les conseils de Michel Rocard, qui avait dit à Michel Destot que ce serait à la présidence une tenue parfaite exigée. Me fâchant avec l’adjoint aux relations internationales qui renâclait à mettre la cravate que je lui commandai de sortir de sa valise, je dus user de l’argument d’autorité suprême : « C’est Michel Rocard qui m’oblige à le faire ! » Redevenu provincial, j’avais encore des copains à Matignon et au PS, mais je ne les voyais plus que de loin. Mon engagement se limitait simplement à être un secrétaire fédéral rocardien dans le Loiret, travaillant un peu en binôme avec l’actuel premier secrétaire du PS, puis de participer, mais de loin, à la campagne de Rocard pour les européennes dans notre région. Je n’ai revu Michel que deux fois. La première, en 1993, à l’occasion des États Généraux de Lyon. Les États généraux ! Une idée bien trop géniale pour avoir une suite ! Alors que le PS semblait entièrement à reconstruire après le désastre absolu des législatives, Michel Rocard nous invitait à ouvrir les portes et les fenêtres en conviant les sympathisants à se joindre à nos travaux. Et plus révolutionnaire encore, il impulsait des débats sur le fond car découplés de tout enjeu de pouvoir. Ma dernière rencontre avec lui eut lieu l’année suivante, lorsque je le reçus pour les européennes. Ultime et triste rencontre, je l’avais trouvé encore très amer par rapport au souvenir de son éviction de Matignon trois ans plus tôt. Qu’il ait été finalement coulé par un Bernard Tapie instrumentalisé ne figure pas dans les pages les plus glorieuses de l’histoire de la gauche française. Buvant la coupe jusqu’à la lie, ce fut quelques jours plus tard l’inspirateur de cette liste que je dus recevoir toujours à Orléans pour l’inauguration d’une avenue Jean Zay… Ce lointain passé s’est rappelé à moi un jour où ma fille me trouva en pleurs devant mon téléviseur après l’hommage aux Invalides. Une fois consolé de ma tristesse, bien des questions demeuraient dans mon esprit. L’aventure aurait-elle pu mieux se terminer ou bien la gauche française était-elle culturellement condamnée à rejeter une proposition politique plus proche de la mentalité des pays protestants ? Et si Michel avait été élu président, que resterait-il de son action dans la France actuelle ? Aurions-nous trente ans plus tard mieux échappé que nos voisins aux vents mauvais qui soufflent sur l’Europe ? L’uchronie n’est pas une science. Je suis sûr en tout cas au moins d’une chose : le rocardisme que nous avons partagé est encore aujourd’hui beaucoup plus qu’une simple nostalgie. J’y vois au contraire le témoignage de ce qu’il est possible de faire de plus digne et de plus ambitieux en politique, en respectant ses concitoyens et en prenant le risque de parler vrai. C’est un exemple à méditer à l’heure où nous trouvons des anciens rocardiens tardifs partout dans la majorité et dans l’opposition mais où dans le même temps nous n’observons plus nulle trace de ce que fut le rocardisme. Et je crois que c’est à nous, qui fûmes les acteurs grands ou petits de cette aventure collective, de continuer à en faire vivre la mémoire car elle redeviendra tôt ou tard une source d’inspiration pour de futures générations de militants du progrès. Gilles ORSELLY Écrivain, dirigeant d'entreprise. Ancien assistant de Pierre Brana et Michel Destot. légende de la photo : Pierre Brana et Gilles Orselly devant la stèle commémorative des parlementaires embarqués à bord du Massilia en 1940. |
Quand Michel Rocard voulait renforcer le plurilinguisme en Europe |
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En 1989, Michel Rocard, Premier ministre, adressait une note à François Mitterrand dans laquelle il proposait d’éviter la domination de l’anglais en Europe en favorisant le plurilinguisme. Cette note, oubliée jusqu’ici, avait d’ailleurs reçu l’assentiment du Président de la République mais ne fut finalement jamais mise en œuvre. A l’heure où le globish est devenu la langue mal parlée commune, elle semble plus que jamais d’actualité. Elle a sans doute été inspirée par Pierre Encrevé, linguiste renommé et conseiller de Michel Rocard à Matignon. C'est aussi un très bel exemple de ce que les conseillers de Michel Rocard appelaient la "BOP" : la bataille pour l'organisation de la planète. Un projet extrêmement intelligent, mais un peu utopique qui demanderait beaucoup de temps et d'énergie à mettre en oeuvre.
« L’Europe occidentale a besoin pour avancer en direction de son unification politique de renforcer son unité culturelle par une réunification linguistique. Si celle-ci devait se faire sur le modèle de l’unilinguisme, il est clair que l’Europe de demain serait anglophone. Mais l’unilinguisme n’est ni nécessaire, ni fatal : la majorité des humains est multilingue et le cerveau est ainsi fait qu’il manie sans difficulté plusieurs langues. Si l’on veut éviter que la construction de l’Europe n’entraîne la domination d’une langue sur toutes les autres, il est indispensable de mettre en œuvre une politique assurant en quelques décennies le plurilinguisme individuel de chaque citoyen européen. |
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La main de Vata indigne Michel Rocard |
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Le 18 avril 1990 a lieu la demi-finale de la Ligue des Champions opposant l'Olympique de Marseille au Benfica Lisbonne. Marseille résiste et devrait ainsi se qualifier pour la finale. Mais le remplaçant angolais du Benfica, Vata Matanu Garcia, tout juste entré sur le terrain, marque le but qui prive l'OM de la finale... de la main. Après avoir gagné 2-1 à l'aller, l'OM est donc éliminé avec ce 1-0, l'arbitre n'ayant pas vu la "main du Diable" du joueur portugais.
Cette faute d'arbitrage, vite qualifiée de "vol" par les médias, suscite un vif émoi dans l'opinion publique. Jean-Paul Huchon, qui était à l'époque son directeur de cabinet à Matignon, se souvient que si Michel Rocard n'était pas le plus grand amateur de football de l'histoire (il ne se rappelle pas l'avoir vu une seule fois dans un stade de football si ce n'est pour les matchs amateurs de "Cabaroc", l'association qui rassemblait ses collaborateurs), le Premier ministre avait souhaité répondre à cette émotion populaire, au moment où le football français était sans doute à son apogée avec l'ascension de l'Olympique de Marseille. L'OM était alors dirigé par Bernard Tapie, que Michel Rocard n'estimait guère (il s'était opposé à son entrée au gouvernement) mais avec qui Jean-Paul Huchon entretenait toutefois de bonnes relations, ayant notamment participé à le "coacher" avant son débat télévisé contre Jean-Marie Le Pen. A la suite de cet incident, Michel Rocard intervient donc à l'Assemblée Nationale et par une lettre à Bernard Tapie, pour partager la frustration des Marseillais et des Français et demander la mise en place de la vidéo pour vérifier les situations litigieuses. Il propose ainsi la mise en place "de juges-arbitres, qui, suivant le match sur le bord du terrain, et avec un écran de contrôle, auraient le pouvoir de rectifier instantanément une erreur manifeste". Sa prise de parole est vilipendée par la droite. Une sortie "ridicule" et "démagogique" qualifiera Philipe Seguin, accusant le Premier ministre de vouloir faire "grimper sa cote de popularité". Il faudra néanmoins attendre 2017, soit 27 ans après, pour que l'assistance vidéo à l'arbitrage soit finalement mise en place. Quant à l'OM après une nouvelle déconvenue en finale de la Ligue des Champions en 1991, il finit par remporter le titre en 1993.
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