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Communiqué de l'association MichelRocard.org |
L'arrivée à l'Assemblée nationale d'une majorité, même relative, du Rassemblement national ferait courir un risque majeur à notre pays et à l'Europe.
C'est au vu de ce risque que l'assemblée générale de l'association MichelRocard.org, réunie le 27 juin, entend rappeler le combat qu'inlassablement, depuis les années 1950 jusqu'à sa dernière campagne pour les élections européennes de 2004 en région PACA-Corse, Michel Rocard a mené contre Jean-Marie Le Pen et les idées de l'extrême-droite. La tentative de sa fille pour repeindre le programme du Rassemblement national n'en change pas la nature profonde : qu'il s'agisse de la nationalité ou de la citoyenneté, de la fabrique de boucs émissaires, du repli de la France sur elle-même et de l'affaiblissement de l'Union européenne, de la remise en cause de l'Etat de droit, ce programme reste aux antipodes de l'histoire républicaine de notre pays comme des engagements européens et internationaux qui ont fait sa force et son rayonnement. Aussi, la fidélté au combat et aux valeurs de Michel Rocard nous fait un devoir de prendre position pour que s'organise le front républicain le plus large, afin de faire barrage à l'extrême-droite au deuxième tour des élections législatives. Nous attendons de toutes les formations politiques attachées aux principes et aux valeurs de la République que se retirent leurs candidats arrivés en troisième position au profit du candidat républicain, quel qu'il soit, en mesure de battre le candidat du Rassemblement national ou de ses alliés. Nous appelons tous ceux qui se reconnaissent dans ces principes et ces valeurs à voter sans hésitation ni tergiversation pour ce candidat républicain. |
Pour Michel Rocard, le "front républicain" au second tour, une exigence de morale politique |
" (...) je le dis sans ambages : il ne faudra pas s'abstenir, il faudra battre l'extrême-droite, car il n'y a pas, dans la défense des valeurs démocratiques, d'enjeu mineur. C'est une morale politique qui est en jeu ici. La défense du caractère démocratique et pluraliste de notre société doit absolument passer avant tout intérêt partisan. (...)"
Comme le notait le quotidien L'Opinion en juin 2021, "Michel Rocard n’a pas seulement inventé le RMI (Revenu minimum d’insertion), la CSG (Contribution sociale généralisée) et la deuxième gauche. Il est aussi l’instigateur, face à la montée du Front national dans les années 1980, du front républicain." En réalité, la notion de front républicain ou de défense de la République remonte à la IIIe République, quand il s'agissait de rassembler tous les républicains, de droite et de gauche, pour empêcher monarchistes, bonapartistes ou anti-dreyfusards de mettre en péril une République encore fragile. Mais son acception dans le sens de faire barrage à l'extrême-droite s'est en effet installée au fur et à mesure de la progression électorale de celle-ci sous la Ve République à partir de la décennie 1980. Et comme le notait Patrick Roger dans Le Monde du 21 décembre 2015, cela remonte en fait aux "élections cantonales de 1985 lors desquelles, pour la première fois sous la Ve République, un responsable politique de gauche suggéra le principe d’un « pacte démocratique », appelant à dépasser les clivages anciens. Il s’agissait de Michel Rocard. Il appela, là où les chances de la gauche étaient nulles, à voter pour le candidat de droite pour faire battre l’extrême droite (...), prenant ainsi à contrepied son propre camp."
Nous sommes en mars 1985. Aux élections municipales deux ans plus tôt, le Front national a enregistré quelques percées, comme à Dreux où la droite et le Front national se sont alliés au deuxième tour pour ravir la mairie à la socialiste Françoise Gaspard. Lors d'une élection légistaive partielle la même année, le numéro 2 du FN, Jean-Pierre Stirbois, obtient 17 % des voix dans la même circonscription. Aux élections européennes de 1984, la liste conduite par Jean-Marie Le Pen obtient 11 % des suffrages. Face à cette progression, la droite de gouvernement et la gauche au gouvernement se cherchent et s'interrogent. Jacques Chirac n'a pas encore établi à l'égard du Front national la "digue"ou le "cordon sanitaire" qu'il revendiquera plus tard et en est encore aux considérations sur "le bruit et les odeurs" des populations immigrées que ne supporteraient pas leurs voisins de palier... Michel Noir et Philippe Seguin n'ont pas encore affirmé haut et fort qu'il vaut mieux "perdre une élection que perdre son âme". Alors, Michel Rocard va saisir l'occasion d'un meeting en région parisienne, à Châtenay-Malabry, le 7 mars 1985, pour délivrer "un discours essentiellement politique". Evoquant les incertitudes qui planent sur les élections législatives de l'année suivante, il demande : "Que se passera-t-il [en 1986] si, à l'occasion d'un scrutin, le verdict des urnes reflète les incertitudes et les interrogations des Français, si aucune majorité cohérente et claire ne se dégage pour poursuivre l'action entreprise et sortir le pays de ses difficultés et d'abord du chômage ? L'avenir de notre pays est incertain. Les majorités partisanes sont elles aussi, par nature, incertaines. Ce qui compte aujourd'hui, ce n'est pas d'abord de savoir qui gouvernera et avec qui, mais de vérifier s'il existe, dans la société française, un accord plus profond sur quelques priorités essentielles autour desquelles l'opinion pourrait se rassembler. Ce dont la France a besoin, c'est d'un projet. La question des majorités et des alliances est, à l'heure qu'il est, non pas secondaire mais seconde. Les majorités et les alliances, cela se dégage derrière les projets (...). Il faut, sans plus attendre, s'efforcer de définir le contenu minimum d'un pacte démocratique capable de répondre aux aspirations d'une majorité de nos concitoyens. " Et s'agissant de l'extrême-droite, il définit pour la première fois les conditions d'un front républicain : "Quand on se fait le chantre du libéralisme économique, c'est-à-dire de la loi de la jungle, on ne doit pas s'étonner de trouver dans cette jungle des animaux nuisibles et dangereux. Voilà pourquoi il sera important, ces jours-ci, de faire la part des choses. Il y aura peut-être en France des cantons où, les chances de la gauche étant nulles, le choix du deuxième tour sera entre un candidat conservateur et un candidat du Front National ou même entre deux candidats conservateurs dont l'un s'appuiera sur le Front National. Si un candidat conservateur a pris des positions claires et refusé tout compromis quel qu'il soit avec l'extrême-droite, je le dis nettement : pour moi, ce ne sera pas "blanc bonnet et bonnet blanc". Et je le dis sans ambages : il ne faudra pas s'abstenir, il faudra battre l'extrême droite, car il n'y a pas, dans la défense des valeurs démocratiques, d'enjeu mineur. C'est une morale politique qui est en jeu ici. La défense du caractère démocratique et pluraliste de notre société doit absolument passer avant tout intérêt partisan." Un mois plus tard, le 4 avril, Michel Rocard démissionne du gouvernement par refus d'un mode de scrutin proportionnel intégral qui va permettre aux idées de l'extrême-droite d'entrer en nombre au Parlement. Et si Michel Rocard soutenait cette exigence de "front républicain" lors d'élections cantonales, "enjeu mineur", qui pourrait douter de son sentiment lors de l'échéance majeure que constituent des élections législatives intervenant après un scrutin où les diverses listes d'extrême-droite ont atteint 40 % des suffrages exprimés ? |
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Marcel Marchand, la fidélité haute-marnaise |
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Au retour de 27 mois d’Algérie - merci à Guy Mollet - Michelle, ma compagne, et moi décidions d’adhérer au PSU au 1er janvier 1961. Nous nous retrouvons ainsi en cohérence avec la lutte que nous avons menée sur le terrain contre la guerre d’Algérie et celle que mène le PSU, et en particulier Michel Rocard, et notre espoir de promotion d’un socialisme démocratique.
Nous voilà au sein d’un petit groupe de militants dont je deviens secrétaire mais qui grossit très vite pour devenir en mai 1968 une section de 45 membres comptant 5 professeurs agrégés du principal Lycée de Saint-Dizier et un groupe d’entreprise à l’I.H.F - usine de fabrication de tracteurs Mac Cormick de 3 300 ouvriers - qui diffuse un bulletin d’entreprise. La fédération de Haute-Marne du PSU - dont je suis secrétaire fédéral adjoint - diffuse un journal de 4 pages chaque trimestre à 15 000 exemplaires, dont 5 000 à Saint-Dizier à la porte des entreprises. Devenue une force militante, la section PSU participe aux élections municipales de 1965 au sein d’une liste commune avec le PCF ; Jacques Duclos en personne viendra me rencontrer dans l’après-midi pour intervenir au meeting de la soirée, alors que les dirigeants locaux m’avaient refusé la parole. Mais nous serons battus de peu au second tour, la SFIO ayant fait alliance avec le MRP. La campagne de l’élection présidentielle de 1969 est vraiment l’élément marquant pour notre parti. Michel Rocard et François Soulage viennent à Saint-Dizier, dînent et couchent à la maison et Michel tient un meeting dans un théâtre municipal archi-comble. C’est l’euphorie ! La campagne des élections municipales de 1971 s’organise autour d’une liste PCF- PS et PSU dont elle sort gagnante. Le poste d’adjoint aux affaires sociales me revient et, avec l’accord de la municipalité, j’engage la résorption des deux gros bidonvilles existants sur le territoire de la commune. Mission accomplie au 31 décembre sans intervention de la police. Les Assises du Socialisme sont un drame pour la section, dont les deux tiers refusent de rejoindre le PS. C’est un gâchis : deux ans après, le PSU maintenu aura disparu. Mais auparavant, ils auront réclamé le poste d’adjoint que je retrouverai plus tard au PS. Dans ce parcours rocardien, il me faut aussi mentionner ma participation à la Commission nationale des conflits du PSU de 1967 à 1974 et il me faut reconnaître qu’elle n’a pas chômé. J’ai présidé la séance le jour où nous avons exclu Jean Poperen du PSU. Sur le plan électif, j’ai également fait un mandat au Conseil régional de Champagne-Ardenne, trois mandats en qualité d’administrateur du Centre hospitalier de Saint-Dizier et un quatrième comme président du C.A où les principes du rocardisme à savoir forte implication, écoute et recherche du consensus m’ont été très bénéfiques. Mais, selon l’initiative de Michel Rocard, le rocardisme s’exprime aussi par le Club « Convaincre 52 » que nous créons en novembre 1987 avec mon ami Georges Voirnesson, qui en devient président et j'en suis le secrétaire. Le Club organise en moyenne trois conférences - débats par année, ouvertes à tous et animées soit par des personnalités locales, soit par des membres nationaux de la Rocardie. Après Gérard Fuchs, qui est venu lancer le Club, nous avons accueilli Sylvie François, Jacques Salvator, Claude Evin, François Soulage, Alain Bergounioux, Catherine Trautmann, Pierre Moscovici, Jean-François Merle, pour n’en citer que quelques-uns. « Convaincre 52 » est, me semble-t-il, le seul survivant en France et poursuit sa route en organisant le 5 juillet une conférence-débat en partenariat avec le Groupe d’Amnesty - que j’ai présidé durant 20 ans - sur le thème : « La surveillance de masse, Progrès ou danger ? ». Voilà mon parcours, qui s’achèvera dans quelque temps. 90 ans en sont la cause. Marcel MARCHAND Ancien secrétaire fédéral de la Haute-Marne, Ancien adjoint au maire de Saint-Dizier
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En juillet 2016, au lendemain de la mort de Michel Rocard, le Journal de la Haute-Marne publiait cette photo prise neuf ans plus tôt à l'occasion d'un débat du Club "Convaincre 52", animé par Marcel Marchand et Georges Voirnesson, avec la participation de l'ancien Premier ministre.
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Les Etats généraux du PS en juin 1993 |
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La prise du parti par Michel Rocard en avril 1993 a été plus que douloureuse. A la tête d’une présidence provisoire, il doit son accession à la tête du PS à l’éviction de Laurent Fabius suite aux législatives catastrophiques pour la gauche de mars 1993.
A peine installé dans ses fonctions, Michel Rocard veut donner l'image d'un Premier secrétaire au travail. A la fin du mois, lors du bureau exécutif du 28 avril, alors que les fabiusiens cessent leur stratégie de la « chaise vide » dans les instances partisanes, il préfère tempérer plutôt que de triompher : « leur retour est normal, il n'y a de triomphe pour personne[1]. » Pour apaiser les tensions, il renonce même officiellement à sa candidature à la présidentielle, afin de se consacrer à la tâche de rénovation du parti[2]. Il parvient ainsi à rassembler les principaux courants du PS derrière lui. C'est à une grande œuvre de rénovation de ses structures, dans la lignée de son discours de Montlouis-sur-Loire, qu'il s'engage. Les « États généraux de la gauche » que Michel Rocard organise à Lyon, du 2 au 4 juillet 1993, sont la première étape de cette « rénovation ». Ils ont été précédés d'états généraux locaux au niveau de chacune des fédérations du PS, ouverts aux sympathisants du parti. Ce mode d'expression, visant à laisser s'exprimer la base, a déjà été utilisé par la droite en 1991 à Vitré. Les États généraux permettent, en outre, aux militants et sympathisants de prendre la parole dans une formation qui a perdu, au fil du temps, une bonne part de démocratie interne. Le but est donc triple : raviver le militantisme, permettre le travail d'auto-critique et enfin jeter les bases d'une ouverture du parti, dans la lignée du « Big Bang ». Loin d’être un grand moment de défoulement collectif comme l’envisageaient la presse et ses opposants, les discussions s’avèrent constructives et favorables à la refondation d’un projet socialiste. Du 2 au 4 juillet, un grand rassemblement à Lyon vient synthétiser et clôturer ce grand débat national. Le slogan, aux accents maçonniques, « de la discussion jaillit la lumière » a été conçu par Jacques Pilhan et son équipe. L'organisation physique a également été pensée pour être « l'anti-Congrès de Rennes ». Ainsi, la distance avec le public est bien plus faible et l'estrade ne s'apparente pas à une scène de show[3]. Outre le bilan et la critique de ce qui a été accompli depuis 1981, ces réunions donnent aussi lieu à de vrais débats sur la réforme du parti et le projet à venir. Michel Rocard peut conclure triomphalement : « Les Français doivent le savoir : les socialistes sont de retour. » Il souhaite que le parti revienne vers les citoyens en pérennisant la structure des états généraux. Il y esquisse également les grands thèmes qui doivent être ceux du PS dans les mois à venir : la lutte contre le chômage à travers une meilleure répartition du travail, une régulation de l’économie à l’échelle mondiale et la construction d’une Europe sociale protectrice des travailleurs. Michel Rocard en sort donc renforcé, Libération parlant, par exemple, de « victoire d'étape[4] » : « Ils (les Etats généraux) visaient aussi à assurer le pouvoir d'un homme, Michel Rocard, à conforter son emprise sur le parti (...) En donnant trois jours durant la parole à la base, Rocard a fait passer le bulldozer des militants et des sympathisants sur tous ceux qui, au sommet, contestaient son pouvoir. Il a même laminé le mitterrandisme[5]. » Surtout, l'image de Michel Rocard comme candidat en 1995 paraît redorée. La presse n'est pas dupe de l'enjeu personnel que représentent les États généraux et c'est même ce qui est le plus mis en valeur à leur issue. Plusieurs articles soulignent que les États généraux ont aussi pour ambition cachée de sacrer Michel Rocard, comme le souligne Témoignage chrétien, mais aussi Le Parisien et Le Figaro, évoquant tous trois le « sacre » de Michel Rocard[6]. Les contestations semblent désormais résiduelles, comme en témoigne la motion commune mise en place lors du comité directeur du 7 juillet, rassemblant Laurent Fabius, Lionel Jospin, Pierre Mauroy et Michel Rocard. Seuls Louis Mermaz et Paul Quilès refusent de s'y rallier, n'obtenant, au final, que 8 % à l'issue du vote militant. Malgré ces opposants, le maire de Conflans paraît plus que jamais remis en selle pour la présidentielle. Le Congrès PS du Bourget (22-24 octobre 1993) vient finalement entériner ce nouveau rapport de force, Michel Rocard y étant élu, et pour la première fois, par les congressistes, premier secrétaire avec plus de 80 % des suffrages, obtenant même le soutien de Laurent Fabius. Pour la presse, il ne fait plus de doute que Michel Rocard a aussi mis la main sur l'investiture PS à l'élection présidentielle : « Michel Rocard est devenu désormais le candidat du PS à l'élection présidentielle de 1995[7]. » Mais les mois qui suivent vont gripper ce processus en marche.
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Les Etats généraux du PS vus par Jean-Paul Huchon |
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Jean-Paul Huchon, qui avait intégré la direction nationale du Parti socialiste après que Michel Rocard en était devenu le président provisoire, en mars 1993, a été l'un des principaux organisateurs des Etats généraux de Lyon en juillet de la même année. Pour "Convictions", il revient ici sur la conception et le déroulement de cet évènement majeur dans l'histoire du PS.
Comment a émergé l’idée des Etats généraux de Lyon en 1993 ? Les législatives de 1993 ont été une véritable déroute électorale. Cela a suscité beaucoup de discussions dans les fédérations pour connaître les raisons d’un tel échec. L’idée de ces Etats généraux a germé dans la tête de Jean-Christophe Cambadélis et la mienne. L’idée était de faire une espèce de grande réunion fondatrice, dans l’état d’esprit des Etats généraux de 1789, donner la parole à la base et faire entendre tout ce qui n’allait pas dans le PS de l’époque, ainsi qu’envisager les solutions.Le débat était également ouvert aux non adhérents, sympathisants. On a compté 20 % de syndicalistes dans ces débats. Des délégués étaient ensuite désignés par les sections pour rapporter la parole lors de la réunion qui s’est tenue à Lyon entre le 3 et le 6 juillet 1993. On a voulu la faire dans la capitale des Gaules, afin de montrer que ce n’était pas un processus parisien. Il y eut là des ateliers sur différents thèmes – le bilan, le projet, les alliances, le Parti, l’Europe, etc – encadrés à chaque fois par un dirigeant du parti qui avait en charge d’en faire la synthèse le dernier jour à la tribune. Même dans la forme, il y avait une volonté d’en faire un anti-congrès, très loin du désastre du congrès de Rennes en 1990. Cela n’était pas tactique, il n’y avait pas de débat de doctrine. Le but était d’identifier le PS comme rénovateur. Un peu comme la droite avait pu le faire avec les rénovateurs. Ces Etats généraux ont surpris par la grande liberté de ton qui se dégageait des débats ? En effet, après l’échec des législatives et douze ans de présidence de François Mitterrand, c’est la logique de l’inventaire qui prédomine. Trois grandes interventions vont marquer les débats à Lyon. Celle de Manuel Valls d’abord sur le thème : « il n’y a pas de sauveur suprême » et dénonçant la « monarchie présidentielle ». Il contestait ainsi l’appropriation du parti par un individu. C’était une rupture nette avec l’ère Mitterrand. Il y a eu ensuite Henri Nallet qui défendait la nécessité d’associer morale et éthique en politique. Il a aussi rappelé que les débats avaient montré l’attachement des militants et sympathisants aux valeurs socialistes : laïcité, humanisme, justice sociale. Enfin, il y eut également l’intervention de Jean-Luc Mélenchon : « je marche ». Malgré la défaite, les socialistes ne doivent pas s’arrêter et construire autre chose. A la fin, j’ai fait la synthèse de l’ensemble des interventions en soulignant leurs dimensions très contestataires et novatrices. Lors de mon discours, il y eut à un moment des réactions diverses. Je leur ai dit : « Ne vous interrogez pas, c’est vous qui l’avez dit. » J’ai ensuite conclu par « Les socialistes sont de retour ». S’en est suivi 10 minutes de standing ovation. C’est cette formule que Michel Rocard a reprise dans sa conclusion. Les Etats généraux sont un véritable moment d’ébullition intellectuelle, après que Michel Rocard ait appelé les militants à « imaginer » ? Oui en effet. C’est un moment fort de réflexion. Outre Bernard Manin et Alain Bergounioux, il y a aussi une intervention de Pierre Rosanvallon sur les mutations sociales. Il y eut aussi l’intervention de Laurence Rossignol sur les femmes. Comment les mitterrandistes ont-ils accueilli ces Etats généraux? Dans la préparation tout le monde était représenté : Claude Bartolone pour les Fabiusiens, Claude Estier en charge de rassembler les contributions, Jean Glavany pour les Jospinistes. Les rocardiens étaient bien sûr très présents avec Yves Colmou, Jean-Michel Thornary qui deviendra mon directeur de cabinet, Bernard Manin et Alain Bergounuoux, du côté des intellectuels. Il y avait une très grande unité à ce moment-là, les courants étaient vraiment mis de côté. On retrouve beaucoup de jeunes dans ces Etats généraux ? En effet, à part Henri Nallet et moi, il n’y a pas de responsables anciens. Le but est de mettre les jeunes en avant afin de présenter un parti neuf et dont on est en train de changer la gouvernance. J’ai d’ailleurs choisi comme musique de fin « Un autre monde » du groupe Téléphone. Ce fut un des plus beaux moments que j’ai eu à vivre au sein du PS. Comment Michel Rocard voyait-il ces Etats généraux ? Il était partie prenante du processus, il y croyait beaucoup. Mais il ne pensait pas qu’on arriverait à quelque chose d’aussi abouti. Dans son discours inaugural, il le dit d’ailleurs : « c'était une gageure de vouloir ainsi, au lendemain de mars, immédiatement consulter l'ensemble des militants » et de « faire en sorte que la défaite soit analysée plutôt que ressassée ». « Cette gageure a été tenue ! ». Les journalistes ont tout de suite dit : « les socialistes ont changé ». C’est vraiment avec le Bourget que ce processus de reconstruction va se gripper. Les courants vont refaire surface, puis Rocard va lancer sa candidature aux européennes. |
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