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Imprimer en recto-verso (version PDF) - Bouton n° 5 - Juin 2018

Rocard et la question calédonienne : un « pari sur l’intelligence »

Michel Rocard avec Jean-Maerie Tjibaou, avant le référendum sur la Nouvelle-Calédonie
Dans certains récits ou interviews, Michel Rocard soutient qu'il ne connaissait rien au dossier calédonien avant sa nomination à Matignon le 10 mai 19881.
C'est une coquetterie qui ne résiste pas à l'examen, comme l'attestent - visibles sur le site MichelRocard.org - l'émission L'Heure de vérité du 3 décembre 1984, dans laquelle il analyse les troubles survenus les semaines précédentes sur le territoire, son discours du 7 mars 1985 à Châtenay-Malabry où il fustige les dirigeants de la droite « toujours en retard d'une évolution », ou encore l'éditorial de la lettre Convaincre du 4 avril 1987, mettant en garde contre les orientations de la politique de Jacques Chirac et Bernard Pons. Sans compter les informations recueillies de première main auprès de Christian Blanc, compagnon de longue date, qui avait été à Nouméa auprès d'Edgard Pisani en 1984-85.

L'approche de la question calédonienne par Michel Rocard doit tout aux origines de son engagement en politique. Formulée ou non, la question hante l'esprit de cette génération de responsables socialistes - Rocard, Le Pensec, Jospin, Joxe, Bérégovoy - qui se trouvent aux responsabilités en 1988 et qui ont en commun l'éveil à la conscience politique dans les combats anticolonialistes et contre la guerre d'Algérie : comment ne pas rééditer les errements et aveuglements de la génération précédente qui, malgré l'expérience de la Résistance, s'était laissé entraîner dans la répression et la guerre coloniale ?

En présentant la démarche résultant des accords de Matignon-Oudinot de juin et août 1988 comme « une expérience inédite de décolonisation dans le cadre des institutions de la République », Michel Rocard n'énonce un paradoxe qu'en apparence : en effet, en droit international, c'est bien à la « puissance administrante » qu'il revient de mener à bien le processus de décolonisation ; au surplus, toujours selon les résolutions de l'ONU, la décolonisation ne débouche pas nécessairement sur l'indépendance dès lors que les populations intéressées ont pu se prononcer librement et loyalement informées2.

Après son départ de Matignon en mai 1991, l'attention que Michel Rocard a portée à la Nouvelle-Calédonie ne s'est jamais démentie, et au-delà de ses interventions publiques, les chercheurs qui travaillent sur ses archives le vérifient chaque jour. En 1998, il salue chaleureusement l'accord de Nouméa et marque sa reconnaissance à Lionel Jospin de l'avoir associé à cet événement : « Quant à moi, comment ne pas vous dire, avec émotion, la joie que j'ai à voir mon pays, grâce à son gouvernement, tenir la parole qu'en son nom je vous ai donnée en 1988. [...] Vous allez apposer vos signatures au bas d'un grand texte. Soyez conscients qu'il concerne beaucoup plus que la Nouvelle-Calédonie : c'est un acte de civilisation ».

Michel Rocard invité de l'émission L'Heure de vérité le 3 décembre 1984Cet accord de Nouméa confère à la Nouvelle-Calédonie une très large autonomie interne, marquée par un gouvernement doté d'attributions étendues, le transfert progressif de toutes les compétences étatiques, à l'exception des compétences régaliennes, ou par la capacité de voter des « lois du pays » qui ont, dans les matières où la Nouvelle-Calédonie est compétente, la même force juridique que celles votées par le Parlement national.

L'étendue de cette autonomie, bâtie au cours des vingt années écoulées, avait conduit Michel Rocard à considérer que la Nouvelle-Calédonie était déjà quasiment indépendante. Toujours attentif aux conditions du développement économique, plus qu'aux questions institutionnelles, il avait en différentes occasions invité ses interlocuteurs calédoniens à réfléchir aux enjeux de la mondialisation, du changement climatique ou du terrorisme qui ne peuvent trouver de réponse durable à l'échelle nationale. Mais en même temps, il disait comprendre la revendication de reconnaissance du peuple kanak, qui prend aussi le nom d'indépendance. En juin 2008, pour les vingt ans des accords de Matignon, il développe ce raisonnement dans une grande conférence publique à Nouméa. En novembre 2015, dans une dernière interview aux Nouvelles Calédoniennes, il le reprend en disant : « L'indépendance, c'est une référence à la liberté de décision, à la liberté d'analyse de celui qui décide » et ajoute, en parlant de la perspective d'un État associé à la France, disposant de sa propre nationalité : « Cela peut être intéressant de chercher cela, mais je serais curieux de connaître la définition de la nationalité »...

Le référendum qui interviendra le 4 novembre 2018 en Nouvelle-Calédonie honorera la promesse faite trente ans plus tôt lors des accords de Matignon. Pour autant, il ne constituera pas un aboutissement mais une étape dans le processus de la décolonisation de ce territoire. Et restera la question pointée par Michel Rocard et qui est au coeur de la problématique calédonienne depuis un demi-siècle : qui est Calédonien ? Qui peut le devenir ? C'est de la capacité à répondre à cette question, pour l'État comme pour les responsables calédoniens, que dépendra l'achèvement de ces accords que Jean-Marie Tjibaou avait qualifiés de « pari sur l'intelligence ».

Jean-François Merle

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1. Cf. par exemple interview à Télérama du 7 octobre 2013.
2. La résolution 1541 de l'Organisation des Nations-Unies dit en effet qu'un scrutin d'autodétermination, concluant un processus de décolonisation, peut déboucher soit sur l'indépendance, soit sur la création d'un État associé avec un autre État indépendant, soit sur le maintien au sein d'un État indépendant.

Puce lien Interview à Télérama du 7 octobre 2013
Puce lien L'émission L'Heure de vérité du 3 décembre 1984
Puce lien Le discours du 7 mars 1985 à Châtenay-Malabry
Puce lien La lettre Convaincre du 4 avril 1987
Echos

Colloque « Michel Rocard Premier ministre : la deuxième gauche et le pouvoir (1988-1991) »

Colloque « Michel Rocard Premier ministre : la deuxième gauche et le pouvoir (1988-1991) »
Les 17 et 18 mai 2018, près de 300 personnes sont venues aux Archives nationales d'abord, puis à Sciences Po pour écouter deux jours de colloque dédiés à l'action de Michel Rocard à Matignon.
Un des intérêts essentiels du colloque a été de permettre la confrontation positive des points de vue des historiens et de ceux de nombreux acteurs et témoins de l'époque.

Co-organisé avec les Archives nationales, Sciences Po et la Fondation Jean-Jaurès, le colloque avait en effet pour ambition de renouveler le regard sur cette période encore peu étudiée par les historiens. Les chercheurs ont ainsi été parmi les premiers intervenants à découvrir les archives de Michel Rocard (fonds 680AP des Archives nationales) et des différents ministères de l'époque.

Les vidéos du colloque seront mises en ligne sur le site MichelRocard.org dans quelques semaines.
Puce lien Quelques photos du colloque
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Publication du livre : « Le rocardisme, devoir d'inventaire »

Publication du livre : « Le rocardisme, devoir d'inventaire »
Que reste-t-il du rocardisme ?
Alain Bergounioux et Jean-François Merle, tous deux membres du Conseil d'administration de l'Association et anciens collaborateurs de Michel Rocard, publient ce mois-ci un ouvrage dédié au rocardisme. Il ne s'agit pas d'une biographie de Michel Rocard, mais d'une réflexion intellectuelle sur ce que fut et ce qu'il reste du rocardisme.
Puce lien Le livre « Le rocardisme, devoir d'inventaire »
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Publication d'un livre hommage à Michel Rocard chez Flammarion

Publication d'un livre hommage à Michel Rocard chez Flammarion
Quand nous vous disions que 2018 était l'année de Michel Rocard...
Un autre livre rend hommage à l'ancien Premier ministre. Sorti le 23 mai 2018, ce nouvel opus auquel contribuent François Hollande, Tony Blair, Anne Sinclair, Manuel Valls, entre autres, permet de collecter des témoignages inédits sur ce socialiste hors norme.
Puce lien Le livre « Michel Rocard par... »
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Création d'un « Cercle Michel Rocard » en Nouvelle-Calédonie

Création d'un « Cercle Michel Rocard » en Nouvelle-Calédonie
L'association MichelRocard.org se réjouit d'avoir enregistré l'adhésion de plusieurs personnalités de Nouvelle-Calédonie, qui ont constitué au niveau local un « Cercle calédonien Michel Rocard ».
Le Cercle calédonien Michel Rocard a diffusé sur son compte Facebook plusieurs documents retraçant des interventions de Michel Rocard à Nouméa en 2008. En effet, ce cercle veut « faire vivre les paroles qui, avec celles de Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur, ont ramené ici la paix en 88 ».
Puce lien Le cercle calédonien Michel Rocard sur Facebook
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Une date, un moment...

10 mai 1988 : nomination de Michel Rocard à Matignon

10 mai 1988 : nomination de Michel Rocard à Matignon
2018 est marquée par une effervescence d'événements et de publications autour de Michel Rocard car c'est aussi le 30ème anniversaire de sa nomination à Matignon.
Après le triomphe électoral de François Mitterrand lors de l'élection présidentielle en 1981 face à Jacques Chirac, rien n'était encore clair sur le choix du Premier ministre. Le Président de la République et le futur Premier ministre entretiennent depuis plusieurs décennies une rivalité bien connue du grand public. À deux reprises, Michel Rocard a d'ailleurs contesté le statut de candidat socialiste à l'élection présidentielle de l'ancien député de la Nièvre. François Mitterrand, qui aimait à jouer avec les hommes, convoque les deux premiers ministrables potentiels, Michel Rocard et Pierre Bérégovoy, avec Jean-Louis Bianco, pour un déjeuner, le jour même de la nomination. Ce n'est qu'à la toute fin du repas qu'il accorde « une petite prime » à Michel Rocard.

Michel Rocard est donc nommé le 10 mai 1988 - journée spéciale pour la mitterrandie, puisqu'il s'agit de la date anniversaire de la victoire de 1981.

Si François Mitterrand ne semble guère alors croire dans les chances de son Premier ministre, Michel Rocard ne tarde pas à montrer ses capacités par les accords de Matignon sur la Nouvelle-Calédonie.

S'ensuivront trois années de réformes majeures qui continuent à marquer l'histoire.
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26 juin 1988 : les accords de Matignon

À la fin du mois de juin, ce sera aussi le 30ème anniversaire des Accords de Matignon qui signifient la fin du conflit en Nouvelle-Calédonie.
Lorsque Michel Rocard arrive au pouvoir en mai 1988, l'île est au bord de la guerre civile. L'attaque de la grotte d'Ouvéa durant l'entre-deux-tours s'est terminée par un bain de sang. Le conflit entre Kanak et Caldoches a été avivé en étant transformé en enjeu de politique intérieure nationale. En quelques semaines, Michel Rocard parvient à apaiser les tensions en envoyant sur place une « mission du dialogue », composée de représentants de la société civile et dirigée par Christian Blanc. À l'issue de cette mission, le Premier ministre réunit à Paris les leaders des deux principaux partis, Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur. Au terme de longues discussions, il obtient un accord entre les deux camps. Les accords seront par la suite ratifiés par référendum le 6 novembre. C'est le début de trente années de paix civile en Nouvelle-Calédonie.
Puce lien Le communiqué annonçant les accords sur la Nouvelle-Calédonie (texte manuscrit par Michel Rocard)
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Agenda
27 juin 2018
Diffusion sur France Ô du film de Ben Salama, Rocard, un artisan de paix, suivie d'un débat autour des accords de Matignon, avec une interview du Premier ministre Édouard Philippe
Puce lien réduite Voir en replay
Dates clés
25 juin 1967
Michel Rocard devient secrétaire national du PSU
Puce lien réduite Vidéo « Autonomie du PSU ou alliance avec la FGDS : l'élection de Michel Rocard comme secrétaire national du PSU (1967) », 2ème table ronde du colloque « Michel Rocard : les années PSU » du 23 novembre 2017
26 juin 1988
Signature des accords de Matignon sur la Nouvelle­-Calédonie
Puce lien réduite Communiqué annonçant les accords sur la Nouvelle-Calédonie (texte manuscrit par Michel Rocard)
29 juin 1988
Discours de politique générale de Michel Rocard, Premier ministre « Un nouvel espoir »
Puce lien réduite Le discours
9 juillet 1984
Promulgation de la loi de rénovation de l'enseignement agricole public
Puce lien réduite Intervention de Michel Rocard au lycée d'enseignement public agricole de Neubourg (Eure), 1983
1er décembre 1988
Promulgation de la loi sur le revenu minimum d'insertion (RMI)
Puce lien réduite Discours devant la commission d'évaluation du RMI, 1989
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Sur le site
Nouveau livre mis en ligne : Réponses pour demain (1988)
Ouvrage programmatique issu du travail des Clubs Convaincre.
On y trouve les premières réflexions qui mèneront au RMI.
Commentaire de l'émission Apostrophes en 1987
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